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la première division ontologique ; mais comme

objets de la sensation et de la connaissance, ils sont regardés comme étant internes, et, par con­séquent, ils sont classés dans la seconde division ontologique.

2° La catégorie de la cognition, consistant dans l’intelligence, ou la pensée (tchitta), qui est identique avec la personnalité (âtma, soimême) et avec la connaissance (vidjnâna). C’est la connaissance des sensations ? ou le cours con­tinu de la cognition et du sentiment. Il n’y a pas d’autre agent, d’être à part, ou distinct, qui agisse et qui jouisse ; il n y a pas, non plus, une âme éternelle, mais une pure succession de pen­sées, accompagnée d’une conscience individuelle qui réside dans le corps.

3° La catégorie des impressions, comprenant îe plaisir, la peine ou l’absence de l’un et de l’autre, et les autres sentiments excités dans l’es­prit par les objets agréables ou désagréables.

4° La catégorie des connaissances admises, comprenant la connaissance provenant des noms, ou mois du langage, comme bœuf, cheval, etc., ou d’indications particulières, de signes figuratifs, comme une maison indiquée par un pavillon, un homme par son bâton.

5° La catégorie des actionSj comprenant les passions, comme le désir, la haine, la crainte, la joie, le chagrin, etc., en même temps que l’il­lusion, la vertu, le vice et toute autre modification de la pensée ou de l’imagination. Tous les sen­timents sont momentanés.

Le cours apparent, mais non réel, des évé­nements, ou la succession mondaine, externe et interne, ou physique et morale, est décrite comme étant un enchaînement de causes et d’effets qui opèrent dans un cercle continu.

La cause prochaine et la cause occasionnelle concomitante sont distinguées l’une de l’autre.

L’école bouddhique, ainsi que la plupart de celles qui ont une origine indienne, propose, comme le grand objet auquel l’homme doit as­pirer, l’obtention d’un état de bonheur final, d’où le retour aux conditions de ce monde est impossible.

^ L’obtention de cette félicité finale parfaite s’exprime par le terme général d'émancipation, de délivrance, d’affranchissement (moukti ou mokcha). Le terme que les bouddhistes affection­nent plus particulièrement, mais qui n’est pas employé exclusivement par cette ecole, est le mot nirwâna (calme profond). La notion qui est attachée à ce terme, dans son acception philoso­phique, est celle de apathie parfaite. C’est une condition de bonheur tranquille et sans mélange, ou d’extase mentale, regardée comme le suprême bonheur. Cet état de l’homme accompli après la mort, n’est point, comme dans l’école des Vi­dant ins indiens, la réunion finale avec l’Ame suprême, obtenue par une discontinualion de l’individualité ; ce n’est pas, non plus, une an­nihilation, comme on l’a prétendu, c’est un repjos absolu, une cessation de tout mouvement, une négation de tous modes d’être et de sentir.

L’accusation d’athéisme ne pouvait manquer d’atteindre un pareil système de pliilosopnie. Aussi, trouve-t-on déjà cette accusation dans cer­taines recensions du Bamâijâna, le plus ancien poeme épique de l’Inde, où il est dit :

« Comme apparaît un voleur, ainsi est apparu Bouddha ; sache que c’est de lui que l’athéisme est venu. »

Le mot que nous traduisons par athéisme (nâs'tikam) signifie littéralement la doctrine du nonêtre. 11 est composé de na, négation, et de asti (est) j c’est donc plutôt la négation de l’être, que la négation de la Divinité. Cependant, comme les bouddhistes n’admettent pas, en dehors des quatre éléments, d’Être supreme qui aurait créé le monde, on ne peut disconvenir qu’ils ne soient athées dans le sens habituel du mot.

L’esquisse précédente de la philosophie boud­dhique, d’après l’exposition de Colebrooke, re­présente principalement l’ancienne doctrine. Cette doctrine paraît s’être modifiée sur plusieurs points dans les temps modernes, ainsi que le font connaître les Mémoires que M. Hodgson, résident anglais du Népàl, a publiés sur le boud­dhisme (Voy. Nouv. Journal Asiat., t. VI, p. 81), après avoir recueilli leur contenu de la bouche même de plusieurs savants bouddhistes. Selon cette dernière autorité, le bouddhisme se divise en quatre principales sectes, ou systèmes distincts d’opinions sur l’origine du monde, la nature de la cause première, la nature et la destinée de l’âme. Les sectateurs du premier système, nom­més Swâbhâvikas, nient l’existence de ïimma­térialité. Ils affirment que la matière est la substance unique, et ils lui donnent deux mo­des : l'action ou l’activité, et le repos ou l’i­nertie (en sanscrit pravritti et nirvritti). La révolution, ou la succession de ces deux états, est éternelle, et embrasse la naissance et la destruction de la nature, ou des formes corporelles palpables. Ils affirment que l’homme peut ac­croître ses facultés à l’infini jusqu’à la parfaite identification de sa nature avec celle qui existe dans l’état de repos.

Les sectateurs du second système, nommés Aiswarikas, ou théistes, ^reconnaissent l’essence immatérielle, c’est un Être suprême, infini et immatériel, que quelques-uns d’entre eux consi­dèrent comme la cause unique de toutes choses, tandis que d’autres lui associent un principe matériel égal et coéternel. Quoique tous ceux qui professent ce second système admettent l’im­matérialité et un Dieu suprême, ils nient sa providence et son autorité sur les êtres.

Les sectateurs du troisième système, les Karmikas, ceux qui croient aux effets des œuvres (karma), aux actions morales ;

Et les sectateurs du quatrième système, les Yâtnikas (deyatna ; effort), ceux qui "croient aux effets des austérités physiques dans une vue morale, ont modifié le quiétisme absolu des premiers systèmes, et donnent plus à l’empire des bonnes actions et de la conscience morale en reconnaissant la libre volonté de l’homme.

Quant à la destinée de l’âme, tous admettent la métempsycose et l’absorption finale. Mais en quoi l’âme est-elle absorbée ? C’est là un grand sujet de controverse parmi les bouddhistes. On ne pourra connaître d’une manière un peu com­plète l’ensemble de la philosophie bouddhique, que lorsque les principaux monuments de cette philosophie auront été mis à la portée de l’in­vestigation européenne ; mais ce que l’on en connaît déjà peut suffire pour en avoir une idée. Μ. E. Burnouf, auquel la science indo-arienne devait déjà tant, a publié également l’un des principaux traités bouddhiques venus du Népâl:le Lotus de la bonne loi, in-4, Paris, 1852 ; et l’introduction au bouddhisme indien, in-4, Paris, 18ô2. Voy. Barth. Saint-Hilaire, le Boud­dha et sa religion, Paris, in-8 ; le Lalita-Vistara, traduit par Pli.-Ed. Foucaux, Paris, 1848 ; the Life or leoend of Gaudama the Budha of the Burmcsc, by llev. P. Bigander, Rangoon, 1866 ; a Manual of Budhism, by R. Spence Hardy, London, 1853 ; Histoire du bouddha Sakga-Mouni, par Mme Mary Summer, in-18, Paris, 1874.G. P.

bouillet (Marie-Nicolas), philosophe fian­çais, né en 1798 à Paris, entra en 1816 à l’École