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8, Leipzig. 1788 (ail.) ; Recherches sur les premiers fondements de la pensée humaine, in-8, Leipzig, 1789 (ail.), réimprimé en 1791 sous ce titre : Essai sur les conditions primiti­ves de la pensée humaine et les limites de notre connaissance. Il a également travaillé avec Abicht au Nouveau Magasin philosophique, consacré au développement du système de Kant. 11 vol. in-8, Leipzig, 1789-1791 (ail.).

BOSCOVÎCH (Roger-Joseph), delà compagnie de Jésus, naquit à Raguse, le 18 mai 1711. Il an­nonça de bonne heure des dispositions si heu­reuses, qu’avant même d’avoir terminé le cours de ses études, il fut nommé professeur de ma­thématiques et de philosophie au collège Romain. Une dissertation sur les taches du soleil (de Ma­culis solaribus), qu’il publia en 1736, le plaça au rang des astronomes les plus distingués de l’Italie. Elle fut suivie d’opuscules nombreux et de quelques grands ouvrages sur toutes les bran­ches des sciences mathématiques et physiques, qui accrurent d’année en année la réputation de l’auteur, non-seulement en Italie, mais dans l’Europe entière. Diverses missions scientifiques et diplomatiques furent confiées par des pontifes et par des princes à l’habileté de Boscovich ; la Société royale de Londres l’accueillit parmi ses membres, et il a même rempli pendant quelque temps enFrance la place de directeur de l’opti­que de la marine. Il est mort à Milan en 1787.

Boscovich était partisan des idées de Newton, et son rôle comme physicien et mathématicien a consisté principalement à appuyer, par ses ob­servations et ses calculs, le système de la gravi­tation universelle. Considéré comme philosophe, il a attaché son nom à une théorie de la sub­stance matérielle qui offre quelques analogies avec l’hypothèse des monades, mais qui touche de plus près encore à l’idéalisme. Suivant Bos­covich, les derniers éléments de la matière et des corps seraient des points indivisibles et iné­tendus, placés à distance les uns des autres et doués d’une double force d’attraction et de ré­pulsion. L’intervalle qui les sépare peut aug­menter ou diminuer à l’infini, mais sans dispa­raître entièrement ; à mesure qu’il diminue, la répulsion s’accroît ; à mesure qu’il augmente, elle s’affaiblit, et l’attraction tend à rapprocher les molécules. Cette double loi suffit à expliquer tous les phénomènes de la nature et toutes les qualités du corps, soit les qualités secondaires, soit les qualités primaires. L’étendue et l’impé­nétrabilité qu’on a rangées à tort parmi celles-ci, non-seulement n’ont rien d’absolu, mais ne sont pas même des propriétés de la substance corpo­relle que nous devons considérer uniquement, comme une force de résistance capable de con­trarier la force de compression déployée par no­tre puissance physique. Il est aisé de voir le vice de cette théorie ingénieuse, mais hypothétique, qui altère la nature de la matière, puisqu’elle nie les propriétés fondamentales du corps, et qui ne mène pas à moins qu’à en révoquer en doute l’existence. Boscovich y est revenu dans plusieurs de ses ouvrages, parmi lesquels nous nous bor­nerons à indiquer les suivants : Dissertationes duæ de viribus vivis, in-4, 1745 ; de Lumine, in-4, 1748 ; de Continuitatis lege, in-4, 1754 ;

  • theoria philosophice yiaturalis reducta αα unicam legem virium in natura existentium, in-4, Vienne, 1758 ; Venise^ 1763. A la fin de cet ouvrage se trouve une liste étendue de tous les travaux publiés par l’auteur jusqu’en 1763. (In doit aussi à Boscovich une excellente édition du poëme de Stay sur la philosophie de Newton : l’Inlosophiœ recentioris a bencdicto Slay versi­bus traditœ libriX, cum adnotationibus et sup­plementis, 3 vol. in-8, Rome, 1755-1760. L’astro­nome Lalande a publié dans le Journal des Sa­vants, février 1792, un éloge de Boscovich. Voy. aussi Dugald-Stewart, Essais philosophiques, trad. par Ch. Huret, in-8, Paris, 1828, p. 157 et suiv.

BOSSUET (Jacques-Bénigne), évêque de Meaux, un des plus grands théologiens et le plus grand orateur sacré dont s’honore la France, né à Dijon en 1627, mort à Paris en 1704, a sa place marquée dans l’histoire de la philosophie, pour le Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, et la Logique, ouvrages excellents qui suffiraient à la renommée d’un écrivain ordinaire, et que Bossuet composa pour l’édu­cation du Dauphin. Bossuet est un de ces es­prits pénétrants qui, dans les discussions théo­logiques, ne s’enferment point dans l’aride nomenclature des textes ; il répand la lumière à flots sur toutes les questions, parce qu’il puise sans cesse au plus profond de la nature humaine. S’il est vrai, selon saint Augustin, que les hé­résies sont transportées dans l’Église du sein des écoles philosophiques, l’Église, à son tour, guérit par la philosophie les blessures que la philosophie lui a faites. Dans sa lutte contre les diverses communions protestantes Bossuet discute les droits et les limites respectifs de l’autorité et de la raison ; avec les molinistes, il sonde les mys­tères du libre arbitre et de la grâce ; en réfutant les quiétistes, il détermine, en psycnologie et en morale, les rapports de l’amour avec l’intelligence et la volonté. Aussi à l’aise avec Leibniz qu’avec Richard Simon et Tournemine, s’il n’a point de système proprement dit, c’est qu’il avait donné toute sa pensée à l’Église ; mais il abonde en vues profondes et étendues, dont les philosophes peuvent faire leur profit/ Ce qui le distingue partout, c’est une sortè de dédain pour la spé­culation pure, et une direction constante et sûre vers la pratique, disposition admirable, quand elle se rencontre unie à tant de grandeur dans les idées et d’élévation dans les sentiments. Bos­suet était un esprit et une âme fermes, et de cette trempe particulière qui fait qu’on peut viser au plus haut sans jamais se perdre.

L’esprit de rigueur et d’opiniâtreté que montra Bossuet dans l’affaire du pur amour, s’accorde à merveille avec les dispositions conciliatrices qu’il apporta dans les querelles du protestantisme. Si l’on tient compte d’un peu d’aigreur personnelle, dont on ne saurait disculper sa mémoire à l’é­gard de Fénelon, il fut dirigé dans les deux cas par le même génie pratique. Le pur amour n’allait à rien moins qu’à la destruction du dogme et de la discipline ; il était, au contraire, de l’intérêt de la religion et de celui de l’Etat de faire des concessions aux communions protes­tantes, pour détruire le schisme et éviter des collisions nouvelles. Rien n’est plus admirable que la tentative de fusion des deux églises dans laquelle Bossuet a joué le principal rôle avec Leibniz. C’est une grande leçon pour ces esprits étroits qui font consister l’intégrité de la foi dans des points d’une importance secondaire, et aiment mieux perdre la moitié du monde que de reculer sur un point où leur orgueil est engagé plutôt que leur croyance. Bossuet montra la même liberté d’esprit et la même modération dans la détermination des rapports de la religion et de la philosophie. 11 ne crut pas que toute re­ligion devenait impossible si on laissait à la pensee humaine la liberté de croire ce qui serait une fois démontré par des raisons solides à la suite d’un mûr et consciencieux examen. Il ad­met sans hésiter l’infaillibilité de la raison, lors­qu’elle prononce clairement sur les matières queJa