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moins directement à la philosophie, deux autres écrits, l’un sur les Chinois : Specimen doctrinœ veterum Sinarum moralis et politicæ, in-4, Francfort, 1724 ; l’autre sur le Tractatus theo­logico politicus de Spinoza : Notœ breves in Ben. Spinozæ methodum explicandi scripturas, in-4, Tubing., 1733.

BION de Borysthene, ainsi appelé parce qu’il naquit à Borysthène, ville grecque sur les bords du fleuve de ce nom, aujourd’hui le Dniéper. Il était, comme il le dit lui-même à Antigone Gonatas, auprès de qui il était en grande faveur, fils d’un affranchi et d’une courtisane. Vendu comme esclave avec toute sa famille, il tomba entre les mains d’un orateur à qui il eut le bon­heur de plaire et qui lui laissa, en mourant, tous ses biens. Bion les vendit pour aller à Athè­nes étudier la philosophie. Il s’attacha d’abord à Cratès et à l’école cynique, puis il reçut les le­çons de Théodore l’Athée, et finit enfin par se passer de maître, sans échapper cependant à l’in­fluence qu’il avait subie jusque-là. Ii fut lui-même accusé d’athéisme, si l’on en croit une tradition se­lon laquelle il aurait regardé comme indifférentes toutes les questions relatives à la nature des dieux et à la divine Providence. On cite de lui plusieurs paroles qui prouvent au moins son in­crédulité à l’égard du paganisme. Diogène Laërce le regarde comme un sophiste ; Ératosthène disait qu’il avait le premier revêtu de pourpre la phi­losophie. Bion a beaucoup écrit ; mais il ne nous reste de ses ouvrages que quelques fragments disséminés dans Stobée.

Il a existé un autre Bion, désigné également sous le titre de philosophe, et à qui nous ne pou­vons assigner aucune époque précise dans l’his­toire. C’était un mathématicien d’Abdère et de la famille de Démocrite. Selon Diogène Laërce, il est le premier qui ait enseigné qu’il y a des con­trées de la terre où l’année ne se compose que d’un seul jour et d’une seule nuit dont la durée est également de six mois. Il connaissait donc la sphéricité de la terre et l’obliquité de Pécliptique. Il est malheureux que nous ne sachions pas à quel temps remonte cette découverte. Voy. Diogène Laërce, liv. IV, ch. vu.—Rossignol, Frag­menta Bionis Borystenithæ philosophi, e variis scriptoribus collecta, in-4, Paris, 1830.

BOCARDO. Terme mnémonique de convention par lequel les logiciens désignaient un des modes de la troisième figure du syllogisme. Voy. la Lo­gique de Port-Royal, 3e partie, et l’article Syllo­gisme.

12DICT. PHILOS.BODIN (Jean) naquit à Angers en 1520, et, sans rien savoir de précis sur sa famille, on peut présumer pourtant que son père était juriscon­sulte, et que sa mère appartenait à la religion israélite pour laquelle Bodin s’est toujours montré respectueux et bienveillant. Il étudia le droit à Toulouse, où plus tard il professa cette science, et arriva à Paris vers l’âge de quarante ans. Il avait déjà publié un opuscule sur l’éducation, et un traité de jurisprudence, qu’il détruisit en­suite. Mais sa véritable carrière commence en 1566 avec sa Méthode pour connaître l’histoire, et deux écrits de peu d’étendue sur les monnaies et l’enchérissement de toutes choses. Ses idées, assez neuves pour le temps, le mirent en grande réputation, et après avoir été attaché au duc d’Alençon en qualité de conseiller, il obtint la faveur assez précaire de Henri III. Il ne parut pas en avoir tiré grand profit pour sa fortune. Il était avocat du roi à Laon, lorsqu’en 1576 il fut en­voyé comme député du tiers aux États de Blois. Il y montra un grand zèle à soutenir les droits de l’assemblée, et défendit la religion réformée contre les violences dont on la menaçait ; aussi encourut-il lui-même le soupçon d’hérésie, qui faillit lui être fatal dans la nuit de la Saint-Barthélemy. Après un voyage en Angleterre à la suite du duc d’Alençon, devenu duc d’Anjou, il revint à Laon en qualité de procureur général. Il ne devait plus quitter cette ville. Malgré son res­pect pour la liberté de conscience, et ses prédi­lections pour la monarchie, il embrassa le parti de la Ligue, entraîna par son exemple la ville de Laon, et quand il Voulut calmer le peuple et s’op­poser à ses violences, il excita contre lui sa dé­fiance et sa haine. Sa personne fut en butte aux outrages, sa maison saccagée, ses livres brûlés. Aussi fut-il un des premiers à se déclarer pour Henri IV. Il mourut de la peste en 1596.

Dans sa longue carrière, outre les ouvrages que l’on a cités, il avait composé les six livres de la République, la Démonomanie, un traité en latin intitulé : Universas Naturœ theatrum, elun long dialogue sur la religion, Heptaplomeres, sive colloquium de sublimium rerum abditis. La République a eu du vivant même de l’auteur un nombre considérable d’éditions et a été traduite dans toutes les langues de l’Europe. Le Théâtre de la nature, « œu-vre de pure spéculation et trop souvent d’imagination, dit M. Franck, où la métaphysique et la physique, associées ensemble, ne servent qu’à se nuire réciproquement, » a été traduit en français, mais c’est un livre qui est resté rare. Quant à Y Heptaplomeres, Bodin l’avait laissé en manuscrit. Les trois premiers livres en ont été publiés en latin et les deux autres en al­lemand par M. Guhraueren 1841. Il en existe un manuscrit à la Bibliothèque nationale, n° 6564.

Ces ouvrages assurent à leur auteur une place éminente parmi les hommes de la Renaissance, dont il a les qualités et les défauts, beaucoup dé hardiesse et d’activité dans la pensée, peu de sû­reté dans le jugement, rien de médiocre ni dans le vrai ni dans le faux. Faisons, , pour n’y plus revenir, la part du mal. L’érudition du xvie siècle n’est pas contestable, et Bodin est de la famille de ces grands lettrés dont le savoir nous étonne ; mais sa science est confuse et sans critique ; il accepte de toutes les mains les témoignages qui peuvent lui être utiles, sans s’inquiéter de leur valeur, et parfois sans se mettre en peine de les concilier. La littérature hébraïque, l’antiquité, les Pères de l’Église, les ouvrages authentiques ou apocryphes de tous les temps et de tous les pays lui fournissent d’inépuisables citations qui étouffent sa pensée, loin de la rendre plus vive. Les idées ne sont pas moins discordantes que les textes : l’auteur paraît parfois arrivé à cette in­dépendance d’esprit qu’on appelle la libre pensée, et dégagé de toute religion positive ; puis on dé­couvre qu’il est imbu des superstitions les plus étranges ; il croit à peine au Christ, mais il est persuadé des folies de l’astrologie, donne une théorie formelle de la prophétie, et croit aux ma­léfices et aux sortilèges. Ces préjugés se glissent dans les parties les plus sérieuses de son œuvre et les corrompent. L’homme qui, on va le voir tout à l’heure, fonde la science politique et la philosophie de l’histoire, explique les révolutions des États par des mouvements planétaires, « les conjonctions, éclipses, et regards des basses pla­nètes et des étoiles fixes ; » il établit entre les événements et les combinaisons de nombres des analogies puériles et compliquées ; il écrit tout un livre sur la sorcellerie, et ce n’est pas pour éclairer ses compatriotes sur cette maladie men­tale, c’est pour donner des armes aux juges qui la poursuivent comme une impiété, et leur indi­quer à quels signes certains ils pourront recon­naître les vassaux de Satan, et par quelles tor­tures leur arracher l’aveu de leur sacrilège. LaDcmonologie.est