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omnibus moclis Rami dialecticam, nous dit Elswich. Lorsque Schegk eut donné le signal de la résistance a cette réforme, et que Cornelius Martini eut publié contre Ramus une violente diatribe, Beurhusius, de concert avec ses amis Hoddée et Buscher, recteurs des académies de Gœttingue et de Hanovre, écrivit une défense du ramisme, en trois dissertations qui parurent réunies en 1596 à Lemgow. Voy. Elswich, de Varia Aristotelis in scholis protestantismis for­tuna, Wittemberg, 1720, p. 55 et 62.

BIAS, l’un des sept sages de la Grèce, naquit à Priène, une des principales villes de l’Ionie, vers l’an 570 avant J. C. Il fut principalement occupé de morale et de politique, comme tous ceux qu’on honorait alors du titre de sages. Il avait, en quelque sorte, condamné à l’avance les spéculations philosophiques, en disant que nos connaissances sur la Divinité se bornent à savoir qu’elle existe, et qu’on doit s’abstenir de toute recherche sur son essence. Il fit une étude particulière des lois de sa patrie, et consacra les connaissances qu’il avait acquises en cette matière à rendre service à ses amis, soit en plaidant pour eux, soit en se faisant leur arbitre. Il refusa toujours l’appui de son talent à l’injustice, et l’on avait coutume de dire, pour désigner une cause éminemment droite : c’est une cause de l’orateur de Priène. Possesseur d’une grande fortune, il la consacrait à de nobles actions, tout en la dédaignant pour son propre usage ; on sait à quelle occasion il prononça le mot célèbre : <* Je porte tout avec moi. » Bias passa toute sa vie dans sa patrie, où il mourut dans un âge fort avancé, en plaidant pour un de ses amis. Les Priéniens lui firent des funérailles splendides, et consacrèrent à sa mémoire une enceinte, qu’on appelait du nom de son père, le Tentamium. A défaut d’ouvrages, nous citerons quel­ques maximes de Bias : « Il faut, disait-il, vivre avec ses amis comme si l’on devait les avoir un jour pour ennemis. » « Il vaut mieux être pris pour arbitre par ses ennemis que par ses amis ; car, dans le premier cas, on peut se faire un ami ; dans le second, on est sûr d’en perdre un. »

  • Voy. Diogène Laërce, liv. I, ch. v ; une excel­lente biographie de Bias par M. Clavier, dans le IVe vol. delà Biographie universelle ; la Morale dans l’antiquité, par A. Garnier, Paris, 1865, in-12j la Morale avant les philosophes, par L. Menard, Paris, 1860, in-8 ; l’article Sages (les Sept).

BICHAT (Marie-François-Xavier), né en 1771 à Thoirette, département de l’Ain, mort à 31 ans en 1802, anatomiste et physiologiste du premier ordre, ne mérite d’être compté au nombre des philosophes que pour ses idees sur la vie et la sensibilité. Il admettait deux sortes de vies : l’une animale, l’autre organique. La première a pour instruments les organes au moyen desquels l’être vivant se trouve en rapport avec le monde entier : c’est par cette raison que la vie animale s’appelle aussi vie de relation. La vie organique a pour but le développement, la nutrition et la conservation de l’animal : les organes spécia­lement consacrés à cette triple fonction sont placés dans les profondeurs du corps ; mais ils communiquent avec ceux de la vie externe ou de relation, parce que ces deux vies sont réel­lement subordonnées l’une à l’autre et ne forment que deux aspects différents d’un même système. La fonction de la reproduction, destinée à la conservation de l’espèce, se classe mal dans l’une et l’autre espèce de vie ; elle appartient’très-visiblement à toutes deux. Bichat reconnaît deux sensibilités : l’une animale, source des plaisirs et de la douleur et dont nous avons par­faitement conscience ; l’autre organique, sur le » phénomènes de laquelle la conscience est muette. La vie organique est donc renfermée dans le » limites de la matière organisée et a pour effet de la rendre sensible aux impressions. De là deux sortes de contractilité : l’une animale ou volontaire, l’autre organique et involontaire. Bichat rapporte toutes les fonctions de l’intel­ligence à la vie animale, et toutes les passions à la vie organique. En plaçant la sensation dans les organes eux-mêmes, en réduisant toutes les fonctions intellectuelles à cette sensibilité or­ganique, Bichat a favorisé le matérialisme con­temporain. Ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort, publiées en 1800, ont été plu­sieurs fois réimprimées.J. T.

BIEL (Gabriel), philosophe et théologien al­lemand, né à Spire vers le milieu du xv® siècle, se fit d’abord remarquer à Mayence comme pré­dicateur. Lorsque l’université de Tubingue fut fondée par Eberhard, duc de Wittemberg, en 1477, il y fut appelé comme professeur de théo­logie. Vers la fin de ses jours, il se retira dans une maison de chanoines réguliers, où il mourut en 1495. Biel est un des plus habiles défenseurs du nominalisme d’Occam, qu’il exposa, d’une manière très-lucide, dans l’ouvrage suivant : Collectorium super libros sententiarum G. Occami, in-f°, 1501. Il a laissé aussi quelques ou­vrages de théologie plusieurs fois réimprimés.

BIEN. Tous les êtres capables de quelque degré d’activité, on pourrait dire simplement tous les êtres, puisque l’inertie absolue équivaut au néant ; tous les êtres tendent à une fin, vers laquelle se dirigent tous leurs efforts et toutes leurs facultés. Cette fin, sans laquelle ils n’a­giraient pas, c’est-à-dire n’existeraient pas, c’est ce qu’on appelle le bien. Le bien, dans sa géné­ralité, qu’il ne faut pas confondre avec son unité et sa perfection, c’est donc le but proposé à l’ac­tivité des êtres, c’est la fin dans laquelle ils cherchent la plénitude de leur existence, et, quand ils sont doués de sensibilité, de leur bienêtre.

Il résulte de cette définition, la seule qui s’ac­corde avec le sens universellement attribué au mot défini, qu’il y a autant d’espèces de bien, qu’il y a d’espèces d’êtres. Mais ce serait faire violence au langage et à la pensée que de parler du bien des minéraux, des liquides et des gaz, en un mot, des corps bruts, simples ou com­posés. Les corps bruts ne sont pas, à vrai dire, des êtres ; ce ne sont que des phénomènes. Ils n’ont en propre aucun bien parce qu’ils ne ten­dent vers aucune fin déterminée. Ils servent d’instruments et de moyens à des existences moins incomplètes dans la recherche des biens qui leur appartiennent. Le bien directement in­telligible pour nous ne commence qu’avec l’or­ganisation et la vie. Il y a certainement un bien pour les végétaux, quoiqu’ils soient privés de sentiment et de connaissance. Ce bien, vers lequel ils tendent par le concert de leurs organes et de leurs propriétés actives, c’est d’abord leur complet développement conformément à un type plus ou moins arrêté, ensuite leur conservation, et enfin leur reproduction ou la conservation de leur espèce. Tout ce qui favorise ce triple résultat leur est bon· tout ce qui l’empêche leur est mauvais. Les idées du bien et du mal leur sont donc parfaitement applicables.

Quand on passe du règne végétal au règne animal, le bien est encore plus facile à apercevoir, et il devient plus manifesta à mesure qu’on monte plus haut sur l’échelle des êtres animés. Comme pour les plantes, le bien consiste d’abord dans le développement, la conservation et la reproduction