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serait funeste ! » La pénalité a perdu pour la première fois, dans le livre de Beccaria, le caractère de la passion et de la vengeance^ pour revêtir celui de la raison et de la moralité. Elle n’est plus, à ses yeux, qu’un régime moral pour le coupable, et un effroi salutaire pour les mé­chants. Le germe des systèmes pénitentiaires avait donc été déposé dans le livre des Délits et des Peines. L’auteur se prononce aussi avec force contre la peine de mort. Rousseau, dans son Contrat social, n’a fait que reproduire les argu­ments du publiciste italien sur cette grave ques­tion. Kant a répondu à tous deux. L’esprit du Traité des Délits et des Peines a aussi inspiré Filangieri, Romagnesi, et beaucoup d’autres. Cet ouvrage a été traduit en français plusieurs fois ; la première traduction en fut faite par l’abbé Morellet en 1766, sur l’invitation de Malesherbes ; celle de Collin de Plancy, 1823, con­tient les commentaires de Voltaire, de Diderot, etc. ; la plus récente est de M. Faustin Hélie, Paris, 1856, in-12. On a aussi de Beccaria : Recherches sur la nature du style, in-8, Milan, 1770. Mais ce dernier ouvrage est tombé dans l’oubli. On peut consulter sur Beccaria les Publicistes modernes, par M. Baudrillart, Paris,

  1. in-8.X.

BECCHETTI, évêque de città délia Pieve, faisant alors partie de l’État ecclésiastique, a écrit en 1812 un livre où se trouve inscrit le nom de la philosophie : Philosophie des anciens peuples… en réponse à l’ouvrage de M. Dupuis, Pérouse, 1812, in-12. C’est une composition con­fuse, sans méthode et sans érudition, combinant en proportions inégales la théologie qui a le premier rang et la philosophie, représentée sur­tout par les indiens, les persans, les gnostiques. Le tout a pour but de réfuter la doctrine du livre de l'Origine des Cultes, et voici la con­clusion : la religion n’a rien d’allégorique, et Jésus-Christ n’est pas un mythe.X.

BECK (Jacques-Sigismond), né à Lissau, près de Dantzig, vers 1761, successivement professeur de philosophie à Halle et à Rostock, s’est distin­gue comme interprète de laphilosophie de Kant. Mais cette interprétation fut un progrès vers l’idéalisme de Fichte. Pour lui, « la chose en soi, ou le noum’ene de Kant, n est qu’une œu­vre d’imagination. »

Mécontent du scepticisme de Schulze, qui n’est qu’une espèce de dogmatisme empirique ; peu satisfait de la fausse manière dont Reinhold avait compris et présenté la philosophie criti­que, Beck entreprit de mettre cette philoso­phie sous son veritable jour, et de porter un jugement définitif sur sa valeur. Mais il n’abou­tit, comme le remarque très-bien M. Michelet de Berlin, qu’à un scepticisme idéaliste. En effet, malgré ses efforts apparents pour sortir du doute, Beck ne tient pas essentiellement à conserver à nos connaissances une valeur objective ; car, pour lui, le degré le plus élevé de la science, la philosophie transcendantale, n’est que l’art de se comprendre soi-même.

Partant de l’acte primitif de la représentation, c’est-à-dire du fait constitutif de l’intelligence, comme d’un principe suprême, Beck donne à la philosophie un caractère expérimental et exclu­sivement psychologique, c’est-à-dire qu’il ne laisse plus rien debout que les représentations mêmes de notre esprit, distinguées les unes des autres par les différents degrés de la réflexion. Ainsi, l’espace, le temps, les catégories de notre entendement, ne sont pas quelque chose de réel, mais les représentations primitives de notre in­telligence. La catégorie de la quantité, par exemple, est une synthèse par laquelle nous réunissons divers éléments homogènes en un seul tout ; et ce tout, au yeux de Beck, n’est pas autre chose que l’espace lui-même. Seu­lement il établit une distinction subtile entre l’espace, tel qu’il vient de nous l’expliquer, et la représentation de l’espace. Le premier est le produit d’une synthèse spontanée, sans aucun mélange de réflexion ; on l’appelle, pour cette raison, une intuition. La seconde, c’est-à-dire la notion de l’espace ; car ce n’estplus un produit spon­tané ou intuitif. Quand j’ai la notion d’une ligne, je la perçois, je ne la crée point ; au contraire, je la crée, je la produis par une synthèse spontanée, lorsque je la tire. Il y a donc ici toute la diffé­rence qui sépare la spontanéité de la réflexion.

Outre l’acte primitif de la représentation, Beck en admet un autre en rapport avec le premier, et qu’il appelle l’acte de la reconnaissance pri­mitive. C’est à peu près ce que Kant a appelé le schématisme transcendantal. La synthèse pri­mitive, jointe à la reconnaissance primitive, pro­duit l’unité objective ; synthétique et originelle des objets (Seul point de vue possible, etc., p. 140-145).

Un point essentiel par lequel Beck est séparé de Kant, c’est qu’il n’accorde au noumène, à la chose en soi, qu’il appelle l’inintelligible, qu’une existence purement subjective, tandis que le fondateur de la philosophie critique en faisait la véritable objectivité. 3’affirme de la manière la plus absolue, dit-il, que l’existence, tout comme la non-existence des choses en soi, n’est absolu­ment rien (Ib., p. 248, 250, 252, 265 et 266). Ce concept est donc complètement dépourvu de matière, rien pour nous ne lui est adéquat. Beck n’a cependant pas le courage de rejeter entière­ment le monde réel. Il regarde la liberté mo­rale comme un fait et un acte original. Quant à la foi morale en Dieu et à l’immortalité, elle n’est pour lui qu’un certain état de la réflexion chez l’homme de bien (Ib., p. 287, 298).

On a de Beck : Extraits explicatifs des ou­vrages critiques de Kant, Riga, 1793-1796, 3 vol. in-8 (le troisième volume de cet ouvrage porte aussi ce titre particulier : Seul point de vue possible d’où la philosophie critique doit être envisagée) ; Esquisse de la philosophie criti­que, in-8, Halle, 1796 ; Commentaire de la métaphysique des mœurs de Kant, lre partie (le Droit), in-8, Halle, 1798 ; Propédeutique à toute étude scientifique, in-8, Halle, 1799 ; Principes fondamentaux de la législation, in-8, Leipzig, 1806 ; Manuel de la logique, in-8, Rostock et Schwer., 1820 ; —Manuel du droit naturel, in-8, Iéna, 1820.On lui attribue aussi l’écrit anonyme suivant : Exposition de l’amphibolie des concepts de réflexion, , avee un essai de réfutation des objections d’Enésidème (Schulze), dirigées contre la philosophe élémen­taire de Reinhold, in-8, Francfort-sur-le-Mein ; 1795.J. T.

BECKER ou BEKKER (Balthazar), né en 1634 à Metslawier dans la Westfrise, fut long­temps persécuté, et finit par être retranché du sein de l’Église réformée, dont il était ministre. Il fut coupable, aux yeux de ses ennemis^ de nier l’action des esprits sur les hommes, et d’être attaché au cartésianisme. Ces deux chefs d’accu­sation se tiennent plus étroitement qu’il ne le paraît au premier abord. En effet, si l’esprit fini n’a aucune action possible sur la matière, comme le soutenaient les cartésiens, le démon ne peut agir sur le corps humain. L’intervention divine ne serait donc pas moins nécessaire ici que pour opérer l’action et la réaction entre l’âme et le corps. Becker niait aussi la magie et la sorcel­lerie, l’homme ne pouvant pas plus agir sur lesesprits,