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synthétiques où deux termes complètement dis­tincts l’un de l’autre sont enchaînés par un lien nécessaire ; chacun de ces deux termes repré­sente une existence réelle; et l’un au moins est tout à fait étranger àl’experience. Il faut laisser aux premiers le nom d’axiomes, et consacrer aux autres celui de principes. Comme l’a dit avec un sens profond l’auteur de la Critique de la Raison pure (Introd.), les mathématiques n’ont pas d’autres principes que leurs définitions, car elles n’ont affaire qu’à un monde idéal:à l’aide des limites et des figures dans lesquelles elles circonscrivent librement l’espace et l’éten­due, elles· produisent elles-mêmes, elles créent en quelque sorte toutes les données qu’elles soumettent ensuite au procédé de la démonstra­tion. Voy. Principes et Mathématiques.

AXIOTHÉE de Philius, l’une des femmes qui, après avoir suivi les leçons de Platon et de Speusippe, transmettaient à leur tour la doctrine qu’elles avaient reçue. Elle passe pour avoir porté des vêtements d’homme, probablement le manteau de philosophe ; cet usage paraît avoir été adopté également par Lasthénie de Mantinée (voy. Diogène Laërce, liv. III, ch. xlvi ; liv. IV, ch. ii). _

AZAÏS. Né à Sorèze en 1766, mort en 1845, a eu pour un moment une réputation que ne justi­fient guère les ouvrages volumineux et insigni­fiants qu’il nous a laissés. Ses premières études le destinaient plutôt à l’enseignement de la mu­sique qu’à la culture de la philosophie, qu’il ne connut jamais. Admis à l’école fondée par les bé­nédictins, dans sa ville natale, il entra d’abord comme novice dans la congrégation des oratoriens, fut pendant quelque temps régent de cin­quième à Tarbes, puis secrétaire de l’évêque d’Oléron, et au moment de la révolution il em­brassa les idées nouvelles avec une ardeur qui devait bientôt se refroidir. Après le. 18 fructidor, il fut poursuivi pour avoir publié une brochure trop franchement royaliste, et condamné à la déportation. Il trouva un asile dans l’hospice des Sœurs de la Charité de Tarbes. et y écrivit son premier ouvrage où il propose aéjà son système, qu’il reproduira avec monotonie dans tous ses autres livres. Grâce à l’amitié de Mme Cottin, alors en pleine renommée, après que le danger fut passé, il eut l’honneur de fréquenter à Pa­ris quelques-uns des hommes célèbres du temps, Lacépède, Hauy, Cuvier, Laplace, qui parais­sent n’avoir pas fait grand cas de son mérite. Il vivait dans un état voisin de la misère quand il obtint les fonctions d’inspecteur de la librairie. Pendant les Cent-Jours il se prononça pour le gouvernement qu’il avait servi, et fut nommé recteur à Nancy. Après la Restauration, il retomba dans la gêne, et vécut d’une pension qui fut peu à peu réduite. Des leçons faites à l’Athénée lui avaient valu une sorte de célébrité, qui attira l’attention sur les ouvrages qu’il ne cessait de faire paraître. Cette renommée était dans tout son éclat vers 1827. Azaïs réunissait alors dans son jardin de Passy un auditoire bril­lant, et exposait dans des conférences animées son explication universelle. Cette prospérité fut cou’le, et à partir de 1830, quoiqu’il ne cessât d ; publier, il serait tombé dans l’oubli, si l’on n’avait gardé le souvenir des railleries qui ac­cueillirent son Système des compensations. Il mourut en 1845.

Dans les nombreux ouvrages qu’il a fait pa­raître de 1800 à 1840, on ne trouve guère qu’une seule idée, et elle n’est ni originale ni vraie. Il la répète sous toutes les formes, l’applique à l’homme et à la nature, au présent et au passé, à l’individu et à la société, et en fait la formule d’un optimisme banal; il y a, suivant lui, « une succession équitable dans les vicissitudes du sort de l’homme, un balancement continu dans les diverses conditions et les divers événements qui constituent sa destinée. » Voilà la grande loi des compensations, qu’on déduirait de la justice de Dieu, qui n’a pas pu traiter inégalement ses enfants, et qui se vérifie aussi par l’observation. Dans l’univers entier se joue une seule et même force qui d’un côté poursuit une œuvre de des­truction, de l’autre ne cesse de réparer ses ruines et de construire. Ces deux opérations sont soli­daires : car on ne peut détruire un édifice qui n’est pas bâti, et d’autre part il faut des débris pour réparer et réédifier ; elles sont nécessaire­ment égales l’une à l’autre : plus il y a d’ê­tres en formation plus il y a d’êtres sur la voie de la destruction, et réciproquement. Or, pour les êtres sensibles le premier acte est ce qu’on appelle un bien, et le second un mal. Chacun d’eux reçoit un plaisir pendant la durée des opérations qui le forment, ou le développent, et une douleur pendant la durée des opérations contraires. Il en résulte qu’il y a équilibre parfait entre son malheur et son bonheur : plus il lui est accordé d’avantages, plus il doit en perdre, et ses regrets, ses souffrances et son desespoir sont une rançon qu’il doit infailliblement payer et qui demeure proportionnelle aux bienfaits qu’il a reçus. A défaut des épreuves qui lui sont rare­ment épargnées, le mortel le plus fortuné doit au moins subir la mort, et c’en est assez pour que cette suprême tristesse, croissant avec le prix de la vie, compense toutes ses joies, et le rende égal au plus misérable esclave. En résultet-il qu’après avoir vécu, tous les hommes ont reçu une quantité égale de maux et de bien ? Non sans doute, et l’auteur qui hésite et se con­tredit sur ce point, se borne à soutenir qu’il y a un rapport invariable entre les deux sommes, qui peuvent d’ailleurs être très-différentes suivant les individus, tout en restant toujours égales pour un seul a’entre eux. L’homme le plus favo­risé a peu de biens, mais il a aussi peu de maux ; et les déshérités, mal pourvus des uns, sont aussi bien moins accablés des autres.

Cette loi s’applique aux sociétés, comme aux particuliers. Le sauvage que le hasard de la génération a jeté sur quelque plage inhospi­talière, au milieu d’hommes grossiers, et aux prises avec une nature ennemie, a sans doute des misères qui épargnent l’homme civilisé ; mais comme toute peine vient d’un bien et y est pro­portionnelle, l’homme policé subU à son tour mille tourments qui sont épargnés à l’autre. Aussi le système des compensations est-il destiné à adoucir* les haines sociales et à mettre fin à cette hostilité croissante entre les riches et les pauvres. Les philosophes et les théologiens qui défendent d’autres doctrines sèment la haine et la discorde : « Le principe de l’iné­galité naturelle et essentielle dans les destinées humaines conduit inévitablement au fanatisme révolutionnaire, ou au fanatisme religieux. »

Enfin, l’univers entier est l’application de cette loi de balancement : tout être « tend à être en expansion continue. » Mais par cela même il rencontre dans les forces qui l’entourent sa li­mite et son obstacle : plus il se déploie et plus il est refoulé. Quand la terre a soulevé de son sein les hautes montagnes qui la sillonnent, pour­quoi ne se sont-elles pas élevées à l’infini ? c’est, dit l’auteur, parce que sa force d’expansion est équilibrée par la nature expansive des autres globes….Tout s’explique, et l’harmonie des glo­bes, et la réciprocité de tous les actes physiques, physiologiques, politiques etc. ; équilibre con-