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lui permettaient son génie et les lumières dont l’esprit humain était éclairé à cette époque. On peut trouver que partout la discussion n’est pas également forte, et que trop souvent les habitu­des d’une rhétorique et d’une dialectique un peu vides ont disposé l’illustre théologien à se faire illusion sur la valeur de ses arguments mais à part ces défauts que personne ne peut méconnaî­tre, et qui appartiennent aux lettres latines en décadence, saint Augustin est un des plus beaux

énies qui aient honoré l’Église par l’étendue

e sa science, et par son ardent amour pour la vérité.

La meilleure édition des œuvres de saint Au­gustin est l’édition des Bénédictins, 10 vol. in-f°, Paris, 1677-1700, réimprimée à Paris en 183540, 11 vol. gr. in-8. Plusieurs des ouvrages de saint Augustin ont été traduits en français : la Cité de Dieu, par Lambert, 1675, et par M. E. Saisset, 1855 ; les Confessions, par Arnauld d’Andilly, 1649, et par M. P. Janet, 1857 ; les Soliloques, par M. Pellissier, 1853, etc. On pourra consulter, en outre, le Tableau de l’é­loquence chrétienne au quatrième siècle de M. Villemain ; Y Introduction à la Cité de Dieu de M. Saisset, la Psychologie de saint Au­gustin, par M. Ferraz, Paris, 1862, in-8 ; Doc­trine de saint Augustin sur la liberté et la Providence, par Μ. E. Bersot, Paris, 1843, in-8 ;

  • Sadous, Sancti Augustini de Doctrina Chris­tiana, Paris, 1847, in-8 ; Nourrisson, la Phi­losophie de saint Augustin, Paris, 1865, 2 vol. in-8.H. B.

AUTONOMIE (de αυτό ; νόμο :, être à soi-même sa propre loi) est une expression qui appartient à la philosophie de Kant. Lorsque ce philosophe proclame Yautonomie de la raison, il veut dire simplement qu’en matière de morale, la raison est souveraine ; que les lois imposées par elle à notre volonté sont universelles et absolues ; que l’homme, trouvant en lui des lois pareilles, devient en quelque sorte son propre législateur. C’est dans cette propriété de notre nature, c’està-dire, encore une fois, dans la souveraineté du devoir, que Kant fait consister le véritable ca­ractère et la seule preuve possible de la liberté. Il appelle, au contraire, du nom à’hétéronomie les lois que nous recevons de la nature, la vio­lence qu’exercent sur nous nos passions et nos besoins.

AVEN-PACE, voy. Ibn-Badja.

AVERROÈS, vov. Ibn-Roschd.

AVICEBRON. Ce nom rappelle une énigme historique aujourd’hui résolue. Il nous a été con­servé par les philosophes du moyen âge qui, depuis Guillaume d’Auvergne jusqu’à Duns Scot, ne cessent de le citer comme l’auteur d’un livre qui les intéresse au plus haut point et qu’ils nomment tantôt Fons vitœ, tantôt Fons sapien­tiae. Les uns l’invoquent comme un guide éclairé, les autres le maudissent comme un impie ; mais tous s’accordent à ignorer s’il est juif, chrétien, ou arabe, s’il est ancien ou moderne. On n’en savait pas davantage avant ces dernières années. 11 restait certain que la Source de vie, comme le fameux livre de Caus.is, avait eu le plus grand crédit dans les éGoles ; mais quel en était l’au­teur, en quelle langue et dans quel temps avaitil écrit, par quelle voie son livre était-il venu entre les mains de nos docteurs, et’quelles étaient au fond ses doctrines, à peine entrevues dans les réfutations d’Albert et de saint Thomas, voilà des questions intéressantes pour l’histoire et qui n’avaient reçu aucune réponse. M. Munk a réussi à les résoudre. Il a d’abord rétabli le nom défiguré de l’écrivain ; puis il a retrouvé et traduit de nombreux extraits de la Source de vie ; en un mot, il nous a fait connaître l’homme et la doctrine.

Il y avait à Saragosse en 1045 un poëte nommi Ibn-Gebirol, dont les hymnes mystiques écrits en hébreu, et empreints d’un ardent sentiment re­ligieux, ont été conservés jusqu’à nos jours dans la liturgie des synagogues. C’était en même temps un critique et un savant ; il avait com­menté la Bible, en donnant à ses récits un sens allégorique : il avait composé une grammaire hébraïque dont on a encore l’introduction, et avait écrit un petit traité de morale, de la Cor­rection des mœurs, qui a été traduit de l’arabe en hébreu et imprimé plusieurs fois.

M. Munk le soupçonnait déjà d’être l’auteur du Fons vitœ, quand il découvrit à la Bibliothèque nationale une traduction en hébreu d’une grande partie du texte de ce livre, d’abord écrit en arabe. Ces extraits étaient l’œuvre d’un savant israélite du xme siècle, Ibn-Falaquéra. Bientôt après il retrouvait aussi une version latine du même ouvrage, précieux moyen de contrôle pour le texte hébreu. Depuis lors M. Seyerlen en a découvert un autre exemplaire moins défectueux à la bibliothèque Mazarine. L’identité d’Avicebron avec Ibn-Gebirol est démontrée ; la tra­duction latine qui a été faite directement de l’arabe concorde avec la partie du texte hébreu que Ibn-Falaquéra a reproduite. L’histoire de la philosophie juive compte un grand nom de plus, et nous connaissons une des voies par où le néo-platonisme s’infiltra dans la scolastique.

Les extraits de la Source de vie, tels que nous pouvons les étudier aujourd’hui, comprennent des fragments des cinq livres du traité original, très-suffisants pour juger du système tout entier. Sans doute l’auteur n’a jamais entendu parler des discussions philosophiques qui, au moment où il écrit, commencent à passionner les esprits à Paris ; ni de la querelle naissante du réalisme et du nominalisme ; et pourtant son attention est fixée sur les problèmes qui préoccupent les docteurs chrétiens ; le jour où ses opinions leur seront connues, elles s’introduiront tout naturel­lement dans leurs écoles, pour y recevoir le blâme ou l’approbation : mais, en tout cas, ils n’en contesteront ni la gravité, ni l’à-propos ; elles leur paraîtront faites pour jeter une grande clarté sur quelques-uns des sujets qui les tiennent per­plexes, et principalement sur celui qui bientôt va dominer tous les autres, la question de la nature de la substance, qui renouvelle, en le continuant, le grand débat sur les universaux. Aristote analysant l’idée de l’être, en avait dégagé deux éléments étroitement unis, la matière et la forme. Cette division purement mentale corres­pondait dans son système à celle de la puissance et de l’acte, et ne peut s’entendre que par elle. Pour qu’une chose existe dans l’ordre de la nature, il faut d’abord qu’elle puisse être, et ensuite qu’elle devienne de simplement pos­sible, réelle ou actuelle : en d’autres termes, qu’elle ait une matière et une forme. Ainsi dans une sphère d’airain ou peut distinguer l’airain même qui pouvait aussi bien devenir un cylindre ou une pyramide, et la forme sphérique dont il a été revetu. Il va sans dire que l’un de ces élé­ments ne peut subsister sans l’autre, et qu’on ne peut pas plus feindre une masse d’airain sans forme qu’une forme qui ne serait la forme de rien. Ces principes de l’être se retrouvent donc partout, excepté dans la cause première qui est forme pure, activité simple. Les alexandrins trouvent le moyen de concilier cette métaphysiqu e avec celle de Platon, et Plotin, par exemple, acceptant cette proposition que tout être se com­pose d’une matière et d’une forme, en conclut