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— Dans l’école, on désignait sous le nom d’attributs dialectiques, la définition, le genre, le propre et l’accident, parce que tels sont, aux yeux d’Aristote (Top., lib. I, c. vi), les quatre points de vue sous lesquels doit être envisagée toute question livrée a la discussion philosophique.

ATTRIBUTIF, se dit de tous les termes qui expriment un attribut ou une qualité, de quelque nature qu’ils puissent être.

AUGUSTIN (Saint). Aurelius Augustinus naquit à Tagaste, en Afrique, le 13 novembre de l’année 354. Son père, d’une bonne naissance, mais d’une médiocre fortune, s’appelait Patrice, et sa mère, femme d’une grande vertu, portait le nom de Monique. C’est d’elle qu’il reçut les premiers principes de la religion chrétienne. Il étudia successivement la grammaire à Tagaste, les humanités à Madaure, et la rhétorique à Carthage. Son goût pour les poètes fut la cause principale de son ardeur pour le travail. Après avoir fréquenté le barreau à Tagaste, il retourna à Carthage en 379, et y professa la rhétorique. Il était, dès ce temps, engagé dans les erreurs des manichéens. Plus tard, il porta son talent à Rome, et de Rome à Milan, où il quitta le manichéisme. Il avait été disposé à le faire par un discours de saint Ambroise et par la lecture de Platon. La connaissance des épîtres de saint Paul acheva ce que les paroles et les écrits de ces deux grands hommes avaient commencé. L’année suivante, 387, il reçut le baptême. Peu de temps après, il perdit sa mère à Ostie. De retour en Afrique, il fut élu par le peuple, sans qu’il s’y attendît, prêtre de l’église d’Hippone. Les succès qu’il obtint en cette qualité au concile de Carthage, en 398, où il expliqua le symbole de la foi devant les évêques, et la crainte que conçut Valère, évêque d’Hippone, qu’on ne lui enlevât un prêtre si nécessaire au gouvernement de son diocèse, décidèrent le prélat africain à le choisir pour son coadjuteur. Il le fit consacrer par Megalius, évêque de Calame, primat de Numidie. Ses nouvelles fonctions le forcèrent à demeurer dans la maison épiscopale ; c’est pourquoi il quitta le monastère qu’il avait élevé à Hippone, dans lequel il vivait en communauté avec quelques personnes pieuses. Il s’adonna plus que jamais à la prédication et à la composition d’ouvrages qui intéressaient la pureté de la foi. Les Vandales, maîtres d’une partie de l’Afrique depuis l’année 428, vinrent en 430 mettre le siège devant Hippone. Ce fut pendant que sa ville épiscopale était assiégée, que saint Augustin mourut, âgé de soixante-seize ans. Il s’était mêlé depuis 411 à la querelle du pélagianisme, et à celle des donatistes depuis 393.

Parmi les nombreux ouvrages de saint Augustin, plusieurs appartiennent plutôt à la philosophie qu’à la théologie, d’autres appartiennent à l’une et à l’autre, d’autres enfin sont purement théologiques ; nous indiquerons ceux des deux premières classes. Les écrits de saint Augustin à peu près exclusivement philosophiques sont : 1° les trois livres contre les Académiciens ; 2° le livre de la Vie heureuse ; 3° les deux livres de l’Ordre ; 4° le livre de l’Immortalité de l’Ame ; 5° de la Quantité de l’Ame ; 6° ses quatorze premières lettres. Ses écrits mêlés de philosophie et de théologie sont : 1° les Soliloques ; 2° le livre du Maître ; 3° les trois livres du Libre arbitre ; 4° des Mœurs de l’Église ; 5° de la Vraie religion ; 6° Réponses à quatre-vingt-trois questions ; 7° Conférence contre Fortunat ; 8° trente-trois disputes contre Fauste et les Manichéens ; 9° traité de la Créance des choses que l’on ne conçoit pas ; 10° les deux livres contre le Mensonge ; 11° discours sur la Patience ; 12° de la Cité de Dieu ; 13° les Confessions ; 14° traité de la Nature contre les Manichéens ; 15° de la Trinité.

Les doctrines philosophiques contenues dans ces ouvrages peuvent se résumer ainsi.

Théodicée. — « Dieu est l’être au-dessus duquel, hors duquel, et au-dessous duquel rien n’est de ce qui est véritablement. Dieu est donc la vie suprême et véritable, de laquelle toutes choses vivent d’une manière vraie et suprême ; il est en réalité la béatitude, la vérité, la bonté, la beauté suprême. Tous ces attributs ne doivent point être en Dieu considérés comme ils le seraient dans l’homme, c’est-à-dire comme des qualités qui revêtent une substance ; mais ils doivent être regardés comme sa substance et son essence. La bonté absolue et l’éternité sont Dieu lui-même. Il n’y a, dans la substance divine, rien qui ne soit être, et c’est de là que vient son immutabilité. » (Soliloque i, nos 3 et 4 ; — de Trinitate, lib. VIII, c. v ; — de Vera religione, c. xlix.)

Dans toutes ces idées sur Dieu, on ne rencontre rien qui ne se retrouve dans la tradition platonicienne et aristotélicienne de la philosophie antique, et l’influence de la révélation ne s’y aperçoit pas. Il n’y avait pas lieu, en effet, qu’elle s’y exerçât ; car la révélation, supposant toujours la croyance en Dieu et la connaissance de ses attributs établies dans les esprits, n’a nulle part cru nécessaire de démontrer l’existence de la cause première et absolue.

On doit remarquer avec quel soin saint Augustin, en exposant l’ubiquité de Dieu, environnait sa définition de réserves de tout genre, dans la crainte qu’on n’en tirât quelque conséquence favorable à des hérésies qui tendaient à identifier la création et le Créateur. Il développe sa pensée dans plusieurs passages où il dit : « Dieu est substantiellement répandu partout, de telle manière, cependant, qu’il n’est point qualité par rapport au monde, mais qu’il en est la substance créatrice, le gouvernant sans peine, le contenant sans efforts, non comme diffus dans la masse, mais, en lui-même, tout entier partout. » (Épître lvii). Il ajoute ailleurs : « Dieu n’est donc pas partout comme contenu dans le lieu, car ce qui est contenu dans le lieu est corps. Quant à Dieu, il n’est pas dans le lieu ; toutes choses, au contraire, sont en lui, sans qu’il soit cependant le lieu de toutes choses. Le lieu, en effet, est dans l’espace occupé par la largeur, la longueur, la profondeur du corps : Dieu cependant n’est rien de tel. Toutes choses sont donc en lui, sans qu’il soit néanmoins lui-même le lieu de toutes choses. » (Quest. divers., no 20 ; — Soliloq. i, nos 3 et 4).

On ne peut se dissimuler sans doute que, sous le mystère de l’ubiquité divine, affirmée par ces passages, plutôt qu’elle n’est expliquée, il ne se trouve des principes d’où sortirait sans beaucoup d’efforts, en apparence du moins, une philosophie inclinant au panthéisme. Mais si ces expressions, par exemple : Dieu est substantiellement répandu partout, faiblement modifiées par ce qui suit, mettent le lecteur sur la voie de semblables conséquences, saint Augustin ne saurait être justement repris d’avoir énoncé un principe incontestable en soi. En cela, il procédait en vertu des lois de l’intelligence, et par conséquent, de toute philosophie rigoureuse, disposée à oublier l’individuel et le fini, lorsqu’elle s’arrête à la contemplation de l’immanence de la cause absolue. Quoique nous le surprenions ici obéissant à ces tendances inhérentes à l’esprit humain, et qui ne s’arrêtent que devant la connaissance des données psychologiques sous l’infuence desquel-