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Quelques philosophes se sont demandé si l’at­tention était une faculté proprement dite, ou seulement une manière d’être, un état de Pame. On vient de voir que M. Laromiguière soutenait la première opinion ; la seconde appartient à M. Destutt de Tracy (Idéologie, ch. xi). Au fond, toutes deux diffèrent moins qu’on ne croit, et peuvent aisément se concilier. Ceux qui ne voient dans l’attention qu’une manière d’être, ne prétendent pas sans doute qu’elle soit un ef­fet sans cause ; ils reconnaissent qu’elle suppose dans l’âme le pouvoir de considérer un objet à part de tout autre ; seulement ils soutiennent que ce pouvoir n’est pas distinct de la volonté. Or les partisans de l’opinion en apparence oppo­sée n’ont jamais contesté ce point ; l’attention, pour les uns et pour les autres, est une faculté ; mais elle n’est pas une faculté primitive, irré­ductible ; elle est déterminée par son objet plutôt

3ue par sa nature ; c’est un mode ; une dépenance de l’activité libre ; c’est la liberté même appliquée à la direction de l’intelligence.

L’attention présente de nombreuses variétés, suivant les individus. Faible et aisément dis­traite chez ceux-ci, elle est incapable de se re­poser deux instants de suite sur un même objet, et ne fait que passer d’une idée à une autre. Naturellement forte chez ceux-là, elle ne connaît pas la fatigue ; elle est encore éveillée au mo­ment où on croirait qu’elle sommeille, et d’une étendue égale à sa puissance, elle peut embras­ser simultanément plusieurs objets. César dic­tait quatre lettres à la fois. Un phénomène vul­gaire. inaperçu de tout autre, est remarqué par un Newton, auquel il suggère la découverte du système du monde.

Ces différences tiennent en partie à la prépon­dérance inégale du pouvoir personnel. Puisqu’au fond ce pouvoir constitue l’attention, il est natu­rel qu’il en mesure la force et la faiblesse par son énergie propre et ses défaillances ; qu’elle soit moins soutenue dans l’enfance, où il ne fait que poindre, dans le trouble de la maladie ou de la passion qui l’énervent, enfin chez tous les esprits qui ne sont pas maîtres d’eux-mêmes ; qu’elle le soit davantage dans l’âge mûr, dans la santé, partout où se rencontre une volonté puissante et forte.

Une autre cause de l’inégalité en ce genre est l’habitude. Comme tous les philosophes qui ne reconnaissent dans Pâme aucune disposition pri­mitive et innée, Helvétius a exagère l’influence de ce principe {de VEsprit, dise. III, ch. iv), lors­qu’il a dit que la nature ayant accordé à tous les hommes une capacité d’attention pareille, l’usage qu’ils en faisaient produisait seul toutes les diffé­rences. Toutefois il est certain que l’exercice contribue beaucoup à nous rendre plus faciles la direction et la concentration de nos facultés in­tellectuelles. Incertaine et pénible au début, l’attention, comme tout effort, devient, quand on la répète, facile et assurée. Nous apprenons à être attentifs, comme à parler, à écrire, à mar­cher. Si beaucoup de personnes ne savent pas conduire et fixer leur esprit, c’est, on peut le dire, pour ne s’y être point accoutumées de bonne heure.

L’attention appliquée aux choses extérieures constitue à proprement parler l’observation. Lors­qu’elle a pour objet les faits de conscience, elle prend le nom de réflexion. Voy. ces mots.

On peut consulter outre les auteurs cités dans le cours de cet article. Bossuet, Traité de la con­naissance de Dieu et de soi-même, ch. m, § 17, 19.

  • Dugald-Stewart, Eléments de la philos, de l’espr. humain, ch. ii ; Bonnet, Essai analytique tur l’Ame, ch. vu ; Prévost, Essais de Philoso­phie, 1" partie, liv. IV, sect. V ; et surtout M. de Cardaillac, Eludes élémentaires de Philosophie, sect.V, ch. ii. Malebranche, dans le sixième livre de la Recherche de la Vérité, a présenté des vues ingénieuses et utiles sur la nécessité de l’attention, pour conserver l’évidence dans nos connaissances, et sur les moyens de la soutenir.

C. J.

ATTICUS. Philosophe platonicien du ne siècle de Père chrétienne. Nous ne connaissons ni son origine ni ses ouvrages, dont il n’est parvenu jusqu’à nous que de rares fragments conservés par Eusèbe ; nous savons seulement que, disciple fidèle de Platon, et voulant conserver dans toute leur pureté les doctrines de ce grand homme, il s’est montré l’adversaire de l’éclectisme alexan­drin. Il repoussait surtout les principes d’Aris­tote, qu’il accusait de ne s’être éloigné des idées de son maître que par un vain désir d’innovation. Il lui reprochait avec amertume d’avoir altéré l’idée de la vertu, en soutenant qu’elle est insuf­fisante au bonheur, d’avoir nié l’immortalité de Pâme pour les héros et les démons, enfin d’avoir méconnu la Providence et la puissance divine, en rejetant:a première de ce monde où nous vi­vons, et en enseignant que la seconde ne pour­rait pas préserver l’univers de la destruction. Tous ces reproches ne sont pas également justes, mais ils témoignent de sentiments très-éleves. Mal­gré cette résistance à l’esprit dominant de son temps, Plotin avait une telle estime pour les écrits d’Atticus, que, non content de les recom­mander à ses disciples, il n’a pas dédaigné d’en faire le texte de quelques-unes de ses leçons. Voy. Porphyre, Vit. Plot., c. xiv. Eusèbe. Præpar. evang., lib. XI. c. i ; lib. XV, c. iv, vi.

  • 11 faut se garder de confondre le philosophe dont nous venons de parler avec un sophiste du même nom et de la même époque, Tiberius Claudius Herodes Atticus. On peut consulter sur ce dernier Ed. Raph. Fiorillo, Her. Attici quæ supersunt, in-8, Leipzig, 1801, et Philos­trate, Vit. sophist. cum nolis Olearii, lib. II, c. i. Quant à l’ami de Cicéron, Titus Pompo­nius Atticus, que l’on compte avec raison parmi les disciples d’Épicure, il suffit de lui accorder une simple mention.

ATTRIBUT (de tribuere ad) signifie, en gé­néral, une qualité, une propriété quelconque, toute chose qui peut se dire d’une autre (κατηγορείσΟαι, κατήγορουμ, ενον). Il faut établir une distinction entre les attributs logiques et les at­tributs réels ou métaphysiques ; nous ne parle­rons pas des attributs extérieurs, qui ne doivent occuper que les artistes et les poètes. Le seul ca­ractère distinctif des attributs logiques, c’est la place qu’ils occupent dans la proposition ou dans le jugement; c’est de se rapporter, sinon à une substance^ à un être réel, du moins à un sujet. Par conséquent, les attributs de cette nature peuvent exprimer autre chose que des qualités, si toutefois ils ne renferment pas une pure néga­tion. Ainsi, dans cette fameuse proposition de Pascal:l’homme n’est ni ange ni bête ; les mots qui tiennent la place de l’attribut ne représentent ni une qualité ni une idée positive. Les attributs métaphysiques, au contraire, sont toujours des qualités reelles, essentielles et inhérentes, nonseulement à la nature, mais à la substance même des choses. Ainsi l’unité, l’identité et l’activité sont des attributs de l’âme ; car je ne saurais les nier sans nier en même temps l’existence de l’âme elle-même. La sensibilité, la liberté et l’in­telligence ne sont que des facultés. En Dieu, il n’y a que des attributs, parce qu’en Dieu tout est divin, c’est-à-dire absolu, tout est enveloppé dans la substance et dans l’unité de l’être nécessaire.*