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système et d’un plan régulier, mais en ce sens que les détails du plan n’avaient nullement été coordonnés en vue de l’alignement observé. Les fragments observés étaient comme les extrémités d’autant de chaînons qui se rattachent à un anneau commun, mais qui ne se relient pas immédiatement entre eux, et qui, dès lors, doivent être réputés indépendants les uns des autres dans tout ce qui n’est pas une suite nécessaire des liens qui les rattachent à l’anneau commun.

Consultez : Gouraud, Histoire du calcul des probabilités, Paris, 1848, in-8 ; — A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, Paris, 1851, 2 vol. in-8.A. C.

PROBLÈME (πρόβλημα, de προβάλλω, proposer, mettre en avant ou en question). On appelle ainsi non pas une simple question, mais une question obscure, sui laquelle on n’a que des données incomplètes, et dont l’examen peut conduire à des résultats opposés ; ou, comme disent les logiciens, c’est une proposition qui peut être soutenue ou combattue par des raisons également plausibles, au moins tant qu’on n’est pas entré dans le fond des choses.

On peut diviser les problèmes, comme les sciences mêmes ou les diverses branches de connaissances auxquelles ils se rapportent, en problèmes physiques, métaphysiques, logiques, moraux, mathématiques, historiques, littéraires, etc. Aristote, dans son traité des Topiques (liv. I, ch. IX), se contente de les ramener sous trois chefs : les problèmes pratiques, ou plus particulièrement moraux ; les problèmes de pure spéculation ou scientifiques ; et ceux qui ne sont pour nous qu’un moyen d’arriver à quelque vérité supérieure, c’est-à-dire les problèmes auxiliaires. « En effet, dit-il, il y a certains problèmes qu’il est utile de résoudre, soit pour rechercher, soit pour faire telles ou telles choses : par exemple, si le plaisir est ou n’est pas un bien. Il en est d’autres qu’on se borne uniquement à savoir : par exemple si le monde est éternel ou ne l’est pas. Il en est d’autres qui ne se rapportent directement et en soi à aucune de ces choses, mais qui peuvent pourtant y contribuer : car il y a beaucoup de choses que nous désirons connaître, non pas pour elles-mêmes, mais seulement à cause d’autres choses… »

Tous ces problèmes peuvent être examinés ou d’une manière sérieuse, dans le seul intérêt de la vérité, ou d’une manière superficielle, par amour de la discussion et pour exercer l’intelligence. Dans le premier cas, ils appartiennent aux différentes sciences que nous avons nommées, et dont ils subissent toutes les lois ; dans le second, ils sont du ressort de la dialectique.

Dans tout problème dialectique, on considère le sujet et le prédicat. Sur le sujet, il n’y a pas de difficulté : car on discute sur ce qu’on veut ; chacun choisit à son gré la matière de la discussion. Mais comment le sujet doit-il être qualifié ? Quelle est la qualification qui lui convient ou ne lui convient pas ? Voilà où s’élèvent les doutes et où la discussion elle-même commence.

Les prédicats sur lesquels portent toutes les discussions dialectiques sont au nombre de quatre : la définition, le genre, le propre, l’accident. Ainsi, par exemple, on demandera si l’homme est un animal raisonnable : problème de définition, problème relatif au genre ; s’il a pour attribut distinctif la raison ou la sensibilité : problème relatif au propre ; enfin, si tel homme en particulier est vivant ou mort, bon ou méchant : problème relatif à l’accident (voy. Aristote, Topiques, liv. I, ch. I-IX).

On reconnaît aussi différents problèmes particuliers qu’on désigne habituellement soit par le nom de celui qui les a proposés le premier, soit par un mot qui en détermine l’objet. Ainsi, le problème qui consiste à trouver le lieu d’une planète dans un temps donné a reçu le nom de Kepler, parce que cet homme de génie l’a proposé le premier ; on donne le nom de problème déliaque ou de Délos à celui de la duplication des cubes, parce que, dit-on, les habitants de Délos, affligés de la peste, ayant consulté l’oracle sur les moyens de faire cesser le fléau, l’oracle leur répondit qu’ils devaient élèver à Apollon un autel double de celui qu’il avait. Nous citerons également le problème plan, le problème linéaire, le problème solide, le problème des trois corps, etc.

PROCLUS est né à Byzance en 412. On l’appelle quelquefois Proclus Lycius, à cause de la patrie de son père, qui était un Lycien de Xanthe ; ou Proclus Diadochus, c’est-à-dire le Successeur, parce qu’il succéda à Syrianus dans la direction de l’école d’Athènes. Marinus nous a laissé une Vie de Proclus, dans laquelle, en véritable alexandrin, il n’épargne pas les merveilles. Proclus étudia d’abord en Lycie, chez un grammairien ; puis il se rendit à Alexandrie, où il étudia la langue latine sous Orion et l’éloquence sous Léonas. De retour à Alexandrie, après un court voyage à Byzance, il entendit Olympiodore et le mathématicien Héron. C’est dans l’école d’Olympiodore qu’il apprit à fond la philosophie d’Aristote. Le désir de connaître Platon le conduisit de là dans l’école d’Athènes, où il eut pour maîtres Syrianus et le vieux Plutarque, qui, tout cassé par l’âge, se remit pour lui à enseigner. Proclus, à peine âgé de vingt ans, avait déjà embrassé la vie pythagoricienne ; et comme Syrianus et Plutarque s’unissaient pour lui reprocher ses austérités : « Que mon corps me mène jusqu’où je veux aller, leur dit-il, et puis qu’il meure. »

Plutarque mourut deux ans après, laissant une fille, Asclépigénie, par laquelle Proclus fut initié dans la connaissance des oracles chaldéens et de la théurgie. Il vécut dès lors dans l’intimité de Syrianus, auquel il succéda au bout de quelques années dans la direction de l’école d’Athènes.

Dès ce moment, son histoire n’offre plus d’autre événement qu’un exil volontaire auquel il se condamna pour échapper à la malveillance de ses ennemis. Il passa une année en Asie, occupé de l’étude des anciens rites, et rentra dans Athènes, où il mourut en 485, sans s’être marié et sans avoir occupé aucun emploi, assez honteux, comme il paraît, de prolonger sa vie, en dépit d’une prédiction qu’il avait faite, au delà de soixante et dix ans.

Parmi les ouvrages de Proclus qui nous sont parvenus, les plus importants sont : les Éléments de théologie, la Théologie selon Platon, le Commentaire sur le Timée, et le Commentaire sur le Parménide.

Voici la triple base de la philosophie de Proclus : l’existence du parfait, éternelle, absolue ; celle du monde, empruntée, éphémère ; l’homme entre ces deux pôles de toute pensée et de toute vie, entraîné vers la terre par les passions et les besoins du corps, ramené à Dieu par la philosophie, par la théurgie, par l’extase.

On ne peut ni nier ni démontrer l’existence de Dieu et celle du monde. Nous percevons le monde par nos sens, et nous voyons Dieu dans notre raison. Le monde ne peut exister sans Dieu : car, étant imparfait, il a besoin d’un auteur et d’une cause finale. Dieu n’a pas besoin du monde pour être, mais il en a besoin pour être déterminé, actif, intelligible. Le monde est nécessaire non pas à l’existence de Dieu, mais à sa splendeur.

Qu’est-ce que Dieu ? Nous pouvons arriver à lui