Voy. Recherches sur la vie cl les ouvrages d’Athenodore, parM. l’abbé Sevin (Mcm. de PAcad. des inscript., t. XIII). Hoffmanni, Dissert, de Athenodoro Tarsensi, philosopho stoïco, in-4 ; Leipzig, 1732.
ATOMISME (PHILOSOPHIE ATOMISTIQUE OU COR-
pusculairk). On comprend sous ce titre général tous les systèmes qui se fondent en totalité ou en partie sur l’hypothèse des atomes. Quoique nous ayons consacré dans ce recueil une place séparée à chacun de ces systèmes, nous avons jugé utile de les examiner dans leur ensemble, dans leur commune destinée, et de suivre dans toutes ses transformations le principe qui fait leur ressemblance.
Réfléchissant que la division des corps ne peut être illimitée, bien que cette limite échappe entièrement à l’expérience, on s’est représenté la matière comme la réunion d’un nombre infini d’éléments indécomposables et indivisibles, qui, par leur disposition, la diversité de leurs formes et de leurs mouvements, nous rendent compte des phénomènes de la nature. Voilà l’atomisme dans sa base. Mais, la base une fois trouvée, l’hypothèse une lois admise dans sa plus haute généralité, il restait encore à en faire l’application, à en fixer les limites, à déterminer la nature même de ces principes matériels que l’intelligence seule devait concevoir. L’univers tout entier et toutes les formes de l’existence peuvent-ils s’expliquer par les seuls atomes ? ou faut-il admettre encore un autre principe, par exemple une substance intelligente et essentiellement active ? Les atomes existentils de toute éternité, ou bien faut-il les considérer comme des existences contingentes, œuvre d’une cause vraiment nécessaire ? Enfin, les atomes sont-ils aussi variés dans leurs espèces que les corps et, en général, que les êtres dont ils forment la substance ? ou n’ont-ils tous qu’une même essence et une même nature ? Les solutions qu’on a données à toutes ces questions sont très-diverses, et constituent, provoquées comme elles le sont les unes par les autres, l’histoire même de la philosophie atomistique.
La doctrine des atomes n’a pas pris naissance dans la Grèce, comme on le croit généralement ; elle est plus ancienne que la philosophie grecque et appartient à l’Orient. Posidonius, à ce que nous assurent Strabon (liv. XVI) et Sextus Empiricus (Adv. Mathem.), en faisait honneur à un Sidonien appelé Moschus, qu’il affirme avoir vécu avant la guerre de Troie. Jamblique, dans sa Vie de Pythagore, nous assure qu’il a connu les successeurs de ce même Moschus. Mais aucun n’a pu nous dire en quoi précisément consistait son système, ni s’il était d’accord ou en opposition avec le dogme fondamental de toute religion. La doctrine^ aes atomes a été trouvée aussi dans l’Inde, où elle prend un caractère plus précis et plus net. Elle lait partie du système philosophique appelé vaisêchika et n’exclut pas l’existence du principe spirituel ; car elle ne rend compte que de la composition et des phénomènes de la matière. Kanaaa, l’auteur de ce système, reconnaît expressément une âme distincte du corps, siège de l’intelligence et du sentiment, et une intelligence infinie distincte du monde. Mais il ne peut croire que la divisibilité de la matière soit sans bornes. Si chaque corps, dit-il, était composé d’un nombre infini de parties, il n’y aurait aucune différence de grandeur entre un grain de moutarde et une montagne, entre un moucheron et un éléphant ; car l’infini est égal à l’infini. Nous sommes donc obligés de considerer la matière ; en général, comme un composé de particules indivisibles, par conséquent indestructibles et éternelles : tels sont les atomes. Les atomes ne tombent pas sous nos sens, autrement ils ne seraient pas de vrais principes j mais, comme tout ce qui affecte nos orga nés, ils seraient sujets au changement et à la destruction. Ainsi, la plus petite partie de matière que notre œil puisse saisir dans un rayon de lumière, n’est encore qu’un composé ou un agrégat de parties plus simples. Chacun des grands éléments de la nature comprend des atomes d’une espèce particulière, ayant toutes les propriétés des corps qui en sont formés : il y a donc des atomes terrestres, aqueux, aériens, lumineux, et d’autres qui appartiennent à l’éther. Ce n’est pas le hasard qui les réunit lorsqu’ils donnent naissance aux corps composés, ce n’est pas non plus le hasard qui les separe à la dissolution de ces mêmes corps ; ils suivent, au contraire, une progression invariable. La première combinaison est binaire ou ne comprend que deux atomes ; la seconde se compose de trois atomes doubles ou molécules binaires. Quatre molécules de cette dernière es pèce, c’est-à-dire quatre agrégats dont chacun se compose de trois atomes doubles, forment la quatrième combinaison, et ainsi de suite. La dissolution des corps suit la progression inverse.
Lorsqu’on songe que ce système est à peu près le même que celui d’Anaxagore ; quand on se rappelle que, d’après une tradition fort ancienne et très-répandue, Démocrite, l’auteur présumé de la philosophie atomistique, a été chercher en Orient ; même dans l’Inde, les éléments de sa vaste érudition ; quand on pense enfin que Pythaore a été, lui aussi, selon l’opinion commune, ans ces antiques régions, et qu’il n’y a pas un abîme entre ces atomes invisibles et l’idée des monades : alors il est absolument impossible de laisser à la Grèce le mérite de l’invention. Un disciple de Pythagore, Ecphante de Syracuse, regardait positivement la théorie des monades comme un emprunt fait à la philosophie atomistique (Stob., Ecl. i), et la manière dont le philosophe de Samos expliquait la génération des corps ofl’re aussi quelque ressemblance avec la progression géométrique sur laquelle se fonde la doctrine indienne. Un autre pythagoricien, ou du moins un homme profondément imbu des idées de cette école, Empédocle, a fondé toute sa physique sur la théorie des atomes, à laquelle il ajoute, comme le philosophe indien, la distinction vulgaire des quatre éléments et la croyance à un principe spirituel. cause première du mouvement, de l’ordre et de la vie. Ce principe, c’est ïamour, qui, selon lui, vivifie et pénétré toutes les parties du sphérus, c’est-à-dire de l’univers considéré comme un seul et même être. A côté, ou plutôt au-dessous de l’amour, il reconnaît encore un principe de dissolution, ou, comme nous dirions aujourd’hui, une force répulsive qui désunit et sépare ce que l’amour a rassemblé selon les lois de l’harmonie. Anaxagore est à peu près dans le même cas ; car, lui aussi, il reconnaît deux principes également éternels, également nécessaires à la formation du monde : l’un est le principe moteur, la force intelligente, la substance spirituelle, sans laquelle tout serait plongé dans l’inertie et dans le chaos ; l’autre, c’est la matière, composée elle-même d’un nombre infini d’éléments indécomposables, invisibles dans l’état d’isolement et d’abord réunis en une masse confuse, jusqu’à ce que l’intelligence vînt les séparer. Ces éléments qui, dans le système d’Anaxagore, portent le nom d’homéoméries, ne sont pas autre chose que les atomes. Seulement^ au lieu de les diviser en quatre classes, d’apres le nombre des éléments généralement reconnus, Anaxagore en a prodigieusement multiplié les espèces : ainsi, les uns servent exclusivement à la formation de l’or, les autres à celle de l’argent ; ceux-ci constituent le sang, ceux-là lachair