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8au savant )es hypothèses brillantes et les utiles découvertes.

Puisque l’association est un des éléments du pouvoir d’imaginer, elle doit se retrouver néces­sairement dans tous les faits qui dépendent plus ou moins de ce pouvoir, comme le fait de la rêverie ; la folie, les songes. Ce n’est pas ici le lieu de decrire ces divers phénomènes, dont chicun exigerait une étude approfondie et des dévelop­pements étendus. 11 suffit de faire observer qu’à part leurs différences profondes, à part les causes qui peuvent directement les produire, ils ne sont à bien prendre que des suites de pensées formées par association.

Comme dernier exemple du pouvoir de l’association, nous indiquerons la plupart de nos pen­chants secondaires. Que l’homme désire la vé­rité, la puissance, l’union avec ses semblables, la dignité de ces biens qui sont des éléments de sa destinée, en motive la recherche ou la rend né­cessaire. Mais la possession des richesses, objet des convoitises de l’avare, ne compte pas entr les fins de notre nature ; elles ne valent que par les idées qu’on y attache, comme signes des biens véritables, ou comme moyens de les obte­nir. Pourquoi cet amour que nous ressentons pour la terre de la patrie ? Parce que nous y sommes nés, que nous y fûmes élevés, et qu’elle renferme tout ce qui nous est cher, nos parents, nos amis, nos bienfaiteurs, les objets de notre culte et de notre amour. Ces souvenirs de l’en­fance, de la famille et de la religion, éveillés par le sol natal, émeuvent doucement l’àme, et com­muniquent leur attrait à un coin de terre isolé à la surlace du globe. Combien d’antipathies et d’af­fections étrangères à la nature ont ainsi pour cause un rapport souvent fortuit entre deux idéesi

Ce n’est pas ici le lieu de faire la critique des systèmes qui expliquent, par l’association des idées, quelques-uns des principes fondamentaux de la raison : par exemple celui de Hume, qui veut, par ce moyen, rendre compte du principe de cau­salité ; nous nous contenterons d’apprécier en peu de mots l’opinion de Reid et de quelques au­tres philosophes qui ont cru pouvoir faire ren­trer l’association des idées dans l’habitude. Si, comme le soutient M. de Cardaillac, partisan de cette opinion (Étud. élém. de Phil., t. II, p. 121), Lhabitude est la propriété qu’ont les phénomènes intérieurs de s’appeler l’un l’autre, l’association des idées y rentre indubitablement. Mais le mot habitude a un sens plus ordinaire dans la langue philosophique, où il désigne, en général, une dis­position produite dans l’àme par la répétition fré­quente des mêmes actes. Or, nous voyons bien comment des liaisons d’idées, qui se sont souvent répétées, se formeront à l’avenir plus facilement, et, devenues, pour ainsi dire, une seconde nature, changeront notre caractère et la tournure de notre esprit ; mais la propriété en vertu de la­quelle elles ont eu lieu une première fois, nous paraît un fait parfaitement distinct et indépen­dant de l’habitude. Le pouvoir de celle-ci peut la fortifier, mais il ne la crée pas plus qu’il n’en découle. En un mot, l’association des idées nous paraît une loi primitive et irrésistible de l’esprit humain, un fait duquel tous les faits psychologi­ques ne dépendent pas, mais qui en explique un fort grand nombre.

L’association des idées est au nombre des phé­nomènes intellectuels qui ont été le plus ancien­nement observés, comme le prouvent quelques mots d’Aristote, au chapitre deuxième de son traité de la Réminiscence ; mais elle n’a été l’ob­jet d’une élude approfondie que dans les temps modernes. Sans parler de Hobbes, qui s’y arrête seulement par occasion, la liste des philosophes qui s’en sont occupés sérieusement est fort con­sidérable. Nous citerons seulement : Locke, Es­sai sur l’Enlendement humain, liv. II, ch. xxm.

  • Hume, Essais philosophiques, ess. III. Hartley, Observations on man'2 vol. in-8, Lond., 1749. Reid, Essais sur les Fac. intell., t. IV, ess. IV. Dugald-Stewart, Élém. de la Phil. de l’esprit liu>nainJ t. II, ch. v, p. 1 et suiv. de la traduct. Iranç. citée plus haut.—Thomas Brown, Lectures cm the Philosophy of the human mind,
  1. vol. in-8, Édimb.. 1827, lect. XXXIII et sq.De Cardaillac, Études élémentaires de Philoso­phie, t. II, édition citée. Damiron, Psycholo­gie, in-8, Paris, 1837, t. I, p. 196. —P. M. Mervoyer, Elude sur l’association des idées, in-8, Paris, 1864. J. St. Mill., Logic, t. II. —Betolaud, de Consociationibus idearum, in-4, Paris, 1826. Gratacap, Théorie de la Mémoire, Pa­ris, 1866, in-8.

ast (Frédéric), né à Gotha en 1778, fit ses études et prit ses grades à l’Université d’Iéna, où il ouvrit un enseignement particulier. Il professa ensuite successivement à Landshut et à Munich. 11 s’attacha particulièrement à la philosophie de Schelling, qu’il développa avec talent, surtout dans ses applications à la théorie de l’art. C’était un esprit ingénieux et doué d’imagination. Son ouvrage sur la vie et les écrits de Platon révèle de l’érudition et un sentiment vrai de l’antiquité ; mais il s’abandonne aux conjectures et aux hypo­thèses les plus hardies. C’est ainsi qu’il regarde comme apocryphes plusieurs dialogues de Pla­ton, dont l’authenticité est le mieux établie, le Premier Alcibiade, le Ménon, les Lois, etc. Ses ouvrages sur l’esthétique ont le défaut de ne ren­fermer guère que des généralités ; ce sont des cadres et des esquisses. Les divisions et les clas­sifications sont souvent arbitraires ; cependanton trouve çà et là des vues originales, des critiques ingénieuses et fines. Le style ne manque pas de richesse et d’éclat. Les principaux ouvrages d’Ast sont les suivants : Système de la Science de l’art, in-8, Leipzig, 1806 ; Manuel d’Esthétique, in-8, Leipzig, 180ό ; Esquisse des principes de VEsthétique, in-8, Landshut, 1807 ; Es­quisse de VEslhétique, in-8, ib., 1813 ; —Prin­cipes fondamentaux de la Philosophie, in-8, ib., 1807, 1809 ; Esquisse générale de l’his­toire de la Philosophie, in-8, ib., 1807 ; Épo­ques principales de l’histoire de la Philosophie, in-8, ib.. 1829 ; —Sur la vie et les écrits de Pla­ton, in-8, Leipzig, 1816. Tous ces ouvrages sont écrits en allemand.

ATHÉISME (de ά privatif et de Θίος, Dieu). On appelle ainsi l’opinion des athées ou de ceux qui ment l’existence de Dieu. Il n’entre pas dans notre plan de donner ici, soit une réfutation^ soit une histoire proprement dite de cette opinion : on la réfute par la démonstration même de l’exi­stence de Dieu, et par un examen approfondi de la nature de l’homme, par la distinction de l’âme et du corps, par une analyse exacte des principes de la raison, en un mot, par l’ensemble des doc­trines enseignées dans ce recueil ; et quant à faire de l’athéisme l’objet d’une histoire tout à fait distincte de celle des autres systèmes, cela est impossible : car l’athéisme n’est pas un système, mais une simple négation, conséquence immé­diate et inévitable de certains principes positifs. On n’est pas athée parce qu’on a voulu l’être, parce qu’on a posé en principe qu’il n’y a pas de Dieuj mais parce qu’on attribue à la matière la pensee, la vie, le mouvement, ou tout au moins une existence absolue ; parce qu’on affirme que ce monde a pu être une combinaison du hasard, ou par reflet de lelle autre hypothèse où l’on croit pouvoir