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la défaite d’Antoine, déclara aux habitants de cette ville qu’il leur pardonnait en l’honneur de son maître Areus (Suet., Aug., c. lxxxix). Sénèque nous vante beaucoup l’éloquence de ce philosophe, mais l’on n’a rien conservé de ses doctrines. 11 ne faut pas le confondre avec Areius Didymus, philosophe platonicien qui vivait à peu près à la même epoque et qui a beaucoup écrit, tant sur les doctrines de Platon que sur celles des autres philosophes grecs. Du reste, il nous est aussi inconnu que son homonyme. Voy. Eusèbe, Prœp. evang., lib. XI, c. xxm. Suidas, adv. Δίδυμος,. Jonsius, de Script, hist.phil., lib. III, c. I, III.

ARGENS (Jean-Baptiste Boyer, marquis d’), un des enfants perdus de la philosophie du xvme siècle, naquit en 1704 ; à Aix en Provence. Son père, procureur général près le parlement de cette ville, le destinait à la magistrature, mais dès l’àge de quinze ans il annonça une préférence décidée pour l’état militaire, moins gênant pour les passions d’une jeunesse licencieuse. Bientôt épris d’une actrice qu’il voulait épouser, il passa en Espagne avec elle, dans l’intention d’y réali­ser son projet ; il est poursuivi et ramené au­près de son père, qui le fait attacher à la suite de l’ambassadeur de France à Constantinople. Mais en Turquie, sa vie ne fut pas moins aven­tureuse. Il visita tour à tour Tunis, Alger, Tri­poli. A son retour en France, il reprit du service. Mais en 1734, il fut blessé au siège de Kehl, et, dans une sortie devant Philipsbourg, il fit une chute de cheval qui l’obligea de quitter la car­rière des armes. Déshérite par son père, il se fit auteur, et vécut de sa plume. C’est alors que, re­tiré en Hollande, il publia successivement les Lettres juives, les Lettres chinoises, les Lettres cabalistiques, pamphlets irréligieux, quelquefois remarquables par une certaine érudition anti­chrétienne. C’est sans doute ce qui en plut d’a­bord à Frédéric II, encore prince royal ; et lors­que Frédéric monta sur le trône, il s’attacha le marquis d’Argens comme chambellan, et le nomma directeur de son Académie, avec 6000 fr. de pension. D’Argens continuant d’écrire, fit pa­raître la Philosophie du bon sens et la traduc­tion du discours de Julien contre les chrétiens, publiée d’abord sous ce titre : Défense du pa­ganisme : il donna encore la traduction de deux traités grecs, faussement attribués, l’un à Ocellus Lucaniis sur la Nature de l’univers, l’autre à Timée de Locres sur l’àme du monde. De tous ses écrits, ce qui nous reste de plus intéressant au­jourd’hui, c’est sans contredit sa correspondance avec Frédéric, auprès duquel il jouissait de la plus grande faveur. Avec bien des travers de conduite, et souvent beaucoup de dévergondage d’esprit, d’Argens ne fut pas un méchant hom­me. Il n’abusa jamais de sa position de favori. Nous trouvons en lui une application frappante de l’adage qui dit que lorsqu’on ne croit pas à Dieu, il faut croire au diable. Ce philosophe si acharné contre le christianisme était sujet à des superstitions misérables : ainsi, il croyait à l’influence malheureuse du vendredi, il n’aurait pas consenti à dîner, lui treizième à table, et il trem­blait si par hasard il voyait deux fourchettes en croix. Agé de près de soixante ans, il s’éprit encore d’une actrice, et l’épousa à l’insu du roi, qui ne lui pardonna jamais. A son retour d’un voyage qu’il avait fait en Franee, il eut beaucoup à souf­frir de l’humeur, moqueuse de Frédéric. Il solli­cita de nouveau la permission de revoir sa patrie, et alla en effet passer un congé assez long en Pro­vence, ou il mourutle 11 janvierl771. Frédéric lui fit ériger un tombeau dans une des églises d’Aix. Le peu de philosophie que l’on rencontre dans ses

trop nombreux écrits se résume en un seul mot : c’est le plus grossier matérialisme.

M. Damiron a publié sur d’Argens un mémoire dans le tome XXXV du Compte rendu des séances de l’Acad. des sc. mor. et politiques. X.

ARGUMENT, ARGUMENTATION. Un argu­ment n’est pas autre chose qu’un raisonnement. C’est ainsi que la Fontaine attribuant aux bêtes le jugement, mais leur refusant le raisonnement, dit : ‘

… Je rendrais mon ouvrage Capable de sentir, juger, rien davantage,

Et juger imparfaitement,

Sans qu’un singe jamais fît le moindre argument.

C’est ainsi que les traités de logique et de rhé­torique énumèrent, sous les noms d’arguments, les différentes formes du raisonnement, enthymème, épichérème, etc. C’est encore ainsi que l’on dit l’argument de saint Anselme ou de Des­cartes, l’argument des causes finales, l’argument ontologique, cosmologique, etc., pour désigner certains raisonnements célèbres par lesquels saint Anselme, Descartes ou autres philosophes se sont efforcés de prouver l’existence de Dieu. On ap­pelle encore argument, dans la langue philoso­phique comme dans la langue vulgaire, le sujet ou l’exposition abrégée d’un ouvrage. C est ainsi, par exemple, que les Dialogues de Platon sont précédés, dans la traduction qu’en a donnée M. Cousin, de sommaires explicatifs sous le titre d’arguments.

L’argumentation est l’usage ou le développe­ment d’un argument, c’est-à-dire d’un raisonne­ment pour prouver quelques propositions ; elle peut enchaîner, pour arriver à son but, plusieurs arguments partiels dont l’ensemble forme l’ar­gument total. Il n’est pas nécessaire que deux adversaires soient en présence pour qu’il v ait argumentation. Saint Anselme, dans son Monologium, et Descartes, dans ses Méditations, n’ar­gumentent pas moins bien, quoique solitaires, qu’ils ne font dans leurs répliques aux objections de Gaunilon ou de Gassendi. Il n’est pas néces­saire non plus de réfuter pour argumenter ; ce­lui qui cherche à établir directement une vérité argumente tout comme celui qui s’efforce de réfuter une erreur. La réfutation et la discussion ne sont que des espèces d’argumentation. On peut lire au sujet de la dernière Y Art de conférer, dans les Essais de Montaigne, et consulter la qua­trième partie de Y Art logique de Genovesi.

A. L.

ARGYROPULE (Jean), de Constantinople, est un des savants du xve siècle qui contribuèrent à répandre en Italie l’étude de la littérature classi­que et de la philosophie grecque. Prisé fort haut par Cosme de Médicis, il enseigna le grec à son fils Pierre, à son petit-fils Laurent et à quelques autres Italiens de distinction. En 1480, il quitta Florence pour aller habiter Rome, où il obtint une chaire publique de philosophie et termina ses jours en 1486. Ses traductions latines des traités d’Aristote sur la physique et la morale (in-f°, Rome, 1652) inspirèrent aux Italiens le goût de ces connaissances ; mais il se fit du tort dans l’o­pinion du plus grand nombre en traitant les La­tins avec un certain mépris, et surtout en accu­sant Cicéron, alors plus que jamais l’objet de la vénération publique, d’une complète ignorance touchant la philosophie grecque.

ARISTÉE de Crotone, après avoir été le dis­ciple, épousa la fille et devint le successeur de Pytbagore. C’est tout ce que nous savons de lui avec quelque certitude (Iambi., Vita Pythag., cap. ult.). Il ne faut pas confondre Aristée de Crotone avec un autre Aristée, personnage réel ou