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l’ayant mis en possession d’une fortune considé­rable. il ne crul pas en faire un meilleur em­ploi que de la dépenser en voyages instructifs. En conséquence, il se mit à parcourir, comme les sages de l’antiquité, l’Orient et l’Egypte, étu­diant principalement les doctrines religieuses des contrées qu’il visitait, et se faisant initier à plusieurs mystères, entre autres à ceux d’Osiris. De retour dans sa patrie, après avoir ainsi dis­sipé tous ses biens, il épousa une riche veuve dont il avait connu le nls à Rome. Les parents de cette femme Payant accusé de magie devant te proconsul romain, Apulée se défendit avec beaucoup d’art et d’éloquence, comme le prouve son plaidoyer que l’on a conservé parmi ses œu­vres (Oratio pro magia, etc.). On sait qu’il vi­vait sous le règne d’Antoine et de Marc Aurèle ; mais on ignore en quelle année il mourut.

Apulée appartient à cette époque indécise où l’esprit oriental et l’esprit grec, les croyances religieuses et les idées philosophiques, se mê­laient. ou plutôt se juxtaposaient dans l’opinion générale, sans former encore un tout systéma­tique. Il est un de ceux qui ont beaucoup con­tribué, par leur exemple, à amener ce résultat, et, quoique les qualités de son esprit et de ses œuvres soient surtout littéraires, il ne peut être négligé impunément par l’historien de la philo­sophie. Ce n’est pas dans un recueil comme ce­lui-ci qu’il peut être question de Y Ane d’or, vé­ritable roman satirique sur lequel se fonde la réputation d’Apulée. Nous ne parlerons pas même de la plupart de ses écrits philosophiques, aride et par là même infidèle analyse des doctrines de Platon et d’Aristote. Il n’y a guère que sa démonologie, contenue presque tout entière dans l’ouvrage intitulé de Deo Socratis, qui mé­rite l’honneur d’être cité· car là se trouve l’élé­ment nouveau qu’il voulait introduire dans la philosophie, et qui joue un si grand rôle chez les derniers Alexandrins. Dans la pensée d’Apu­lée, il est indigne de la majesté suprême que Dieu intervienne directement dans les phénomè­nes de la nature. Par conséquent, il met à ses ordres des légions de serviteurs de différents grades, qui gouvernent et qui agissent d’après leur impulsion et leur plan éternel. Ces servi­teurs, ce sont les démons, revêtus d’un corps subtil comme l’air, et habitants de la région moyenne qui s’étend entre le ciel et la terre. Rien de ce qui se passe dans la nature ou dans le cœur de l’homme ne peut échapper à leurs regards pénétrants. Quelquefois même, lorsque Dieu nous appelle à quelque grande mission, ils viennent, nous vivants, habiter notre corps et nous dicter ce que nous avons à faire. Ainsi s’explique le génie familier de Socrate. C’est à cette même croyance qu’Apulée veut rattacher tous les usages religieux, tant chez les Grecs que chez les barbares. Ce n’est pas assez que ces idées soient par elles-mêmes d’un caractère peu philosophique ; elles sont encore présentées sous une forme confuse et dans un ordre tout à fait arbitraire. Voici les titres des ouvrages d’Apulée et des travaux auxquels ils ont donné lieu : de Philosophia, seu de Habitudine doctrinarum et nativitate Platonis, lib. III ; de Mundo (une traduction de l’ouvrage faussement attri­bué sous le même titre à Aristote) ; de Deo Socrutis ; Fabulæ milesiœ, seu Metamorph., lib. XI ; Hermetis Trismeg. de Natura deo­rum, ad Asclepium alloquuta. Ses Œuvres complètes, 2 vol. in-8, Lyon. 1614 ; et 2 vol. in-4, Paris, 1688.Apuleii Theologia exhibita a l’alstero. dans ses Cogitata philosophica, p. 37. De A/>uleii vita, scriptis, etc., auct. Boxscha, dans le 3° vol. de l’édition de Leyde,

in-4, 1786. De mystica Apuleii doctrina, auct. Charpentier, in-8, Parisiis, 1839.

ARABES (Philosophie des). Les monuments littéraires des Arabes ne remontent pas au delà du vie siècle de l’ère chrétienne. Si la Bible nous vante la sagesse des fils de l’Orient, si l’au­teur du Livre de Job choisit pour théâtre de son drame philosophique une contrée de l’Arabie, et pour interlocuteurs des personnages arabes, nous pouvons en conclure tout au plus que les anciens Arabes étaient arrivés à un certain degré de cul­ture, et qu’ils excellaient dans ce qu’on compre­nait alors sous le nom de sagesse, c’est-à-dire dans une certaine philosophie populaire, qui consistait à présenter, sous une forme poétique, des doctrines, des règles de conduite, des ré­flexions sur les rapports de l’homme avec les êtres supérieurs, et sur les situations de la vie humaine. Il ne nous est resté aucun monument de cette sagesse, et les Arabes eux-mêmes esti­ment si peu le savoir de leurs ancêtres, qu’ils ne datent leur existence intellectuelle que depuis l’arrivée de Mohammed ; appelant la longue sé­rie de siècles qui précéda le prophète le temps de l’ignorance.

Dans les premiers temps de l’islamisme, l’en­thousiasme qu’excita la nouvelle doctrine et le fanatisme des farouches conquérants ne laissè­rent pas de place à la réflexion, et il ne put être question de science et de philosophie. Cepen­dant un siècle s’était à peine écoulé que déjà quelques esprits indépendants, cherchant à se rendre compte des doctrines du Koran, que jus­que-là on avait admises sans autre preuve que l’autorité divine de ce livre, émirent des opinions qui devinrent les germes de nombreux schis­mes religieux parmi les Musulmans ; peu à peu on vit naître différentes écoles, qui,’plus tard, surent revêtir leurs doctrines des formes dialec­tiques, et qui, tout en subissant l’influence de la philosophie, surent se maintenir à côté des phi-^ losophes, les combattre avec les armes que la" science leur avait fournies, et d’écoles théo­logiques qu’elles étaient, devenir de véritables écoles philosophiques. La première hérésie^ à ce u’il paraît, fut celle des kadrites, c’est-a-dire e ceux qui professaient la doctrine du kadr, qu’on fait remonter à Maabed ben-Khaled alDjohni. Le mot kadr (pouvoir) a ici le sens de libre arbitre. Maabed attribuait à la seule vo­lonté de l’homme la détermination de ses ac­tions, bonnes ou mauvaises. Les choses, disait-il, sont entières, c’est-à-dire aucune prédestination, aucune fatalité n’influe sur la volonté ou l’action de l’homme. Aux kadrites étaient opposés les djabarites, ou les fatalistes absolus, qui disaient que l’homme n’a de pouvoir pour rien, qu’on ne peut lui attribuer la faculté d’agir et que ses ac­tions sont le résultat de la fatalité et de la con­trainte (djabar). Cette doctrine, professée vers la fin de la dynastie des Ommiades, par Djahm ben-Safwàn, aurait pu très-bien marcher d’ac­cord avec la croyance orthodoxe, si, en même temps, Djahm n’eût nié tous les attributs de Dieu, ne voulant pas qu’on attribuât au Créateur les qualités de la créature, ce qui conduisait à faire de Dieu un être abstrait, privé de toute qualité et de toute action. Contre eux s’élevèrent les cifatites, ou partisans des attributs (cifàt), qui, prenant à la lettre tous les attributs de Dieu qu’on trouve dans le Koran, tombèrent dans un grossier anthropomorphisme.

De l’école de Hasan al-Baçri, à Bassora, sortit, au 11e siècle de l’hégire, la secte des motazales, ou dissidents, dont les éléments étaient déjà donnés dans les doctrines ies sectes précédentes. Wacel ben-Atha(né l’an 8C de l’hégire, ou 699-700de.I. C.,