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616 CUPER.

CUPER (François), philosophe hollandais, mort à Rotterdam en 1595, et auteur d’un ouvrage qui a pour titre Arcana atheismi revelata, philosophioe et paradoxe refutata examine Tractatus theologico-politici Bened. Spinozoe, in-4, Rotterdam, 1676. François Cuper est compté parmi ces défenseurs timides de Spinoza, qui, sous prétexte de réfuter ses déplorables doctrines, ne font réellement que les développer et les faire valoir. En effet, rien n’est plus faible que les objections qu’il élève contre son prétendu adversaire et les arguments par lesquels il défend en apparence la croyance en un Dieu distinct du monde. En même temps il soutient que l’existence de Dieu ne peut pas être prouvée par la raison, et qu’il nous faut les lumières surnaturelles de la revélation pour nous faire une idée d’une substance sans étendue et pour concevoir la différence du vice et de la vertu, du bien et du mal moral. Les intentions et les principes de Cuper ont été vivement attaqués par Henri Morus, t. I, p. 596, de ses Œuvres philosophiques, 2 vol. in-f°, Londres, 1679. Voy. aussi la dissertation de Jaeger : Fr. Cuperus mala fide aut ad minimum frigide atheismum Spinozoe oppugnans, in-4, Tubingue, 1720.


CUSA ou CUSS (Nicolas de), ainsi appelé d’un village du diocèse de Trèves, où il reçut le jour en 1401. Fils d’un pauvre pêcheur appelé Crebs ou Crypffs, il entra d’abord au service du comte de Manderscheid, qui ne tarda pas à reconnaître en lui les dispositions les plus heureuses et l’envoya faire ses études à Deventer. De Cusa suivit ensuite les cours des principales universités allemandes, et alla recevoir le bonnet de docteur en droit canon à Padoue. Il assista au concile de Bàle en qualité d’archidiacre de Liège, et publia, pendant la tenue du concile, son traité de Concordia catholica, où il soutient avec modération, mais avec force, la supériorité des conciles sur le pape. Malgré ces opinions, généralement peu goûtées à Rome, de Cusa reçut du pape plusieurs légations très-importantes, et fut élevé à la dignité de cardinal. il fut même chargé du gouvernement de Rome en l’absence du pape. Ayant voulu rétablir la discipline dans un couvent du diocèse de Brixen, dont il était l’évêque, le souverain temporel du pays, l’archiduc Sigismond, qui protégeait ces moines dissolus, le fit jeter en prison. Il n’en sortit que pour aller finir tristement sa vie à Todi, dans l’Ombrie, où il mourut en 1464. De Cusa joignait à beaucoup de savoir une grande modestie, une extrême simplicité et un désintéressement tout évangélique.

Le système philosophique de Nicolas de Cusa est un singulier mélange de scepticisme et de mysticisme, d’idées pythagoriciennes et alexandrines, combinées d’une manière assez originale. En voici les points les plus importants.

Nous ne connaissons pas les choses en elles-mêmes, mais seulement par leurs signes. Aussi la première science est-elle celle des signes ou du langage, et la seconde celle des objets signifiés ou des choses. Les choses ne sont pas connues directement et en elles-mêmes, mais par leur image qui va se spiritualisant et s’idéalisant de plus en plus en passant successivement des objets aux sens, des sens à l’imagination, et de l’imagination à l’entendement. Arrivée à cette dernière faculté, l’image n’est déjà plus qu’un signe, mais un signe intérieur de ce qu’il