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orgueilleuses d’atteindre, avec des facultés bornées et relatives, une vérité définitive et absolue.

Après Arcésilas, l’Académie ne produisit aucun grand maître, jusqu’au moment où Carnéade vint jeter sur elle l’éclat de sa brillante renommée. Carnéade était le génie de la controverse. Il livra au stoïcisme un combat acharné, où tout en recevant lui-même de rudes atteintes, il porta à son adversaire des coups mortels. Armé du sorite, son argument favori (Sextus, Adv. Mathem., éd. de Genève, p. 212 sqq.), Carnéade s’attacha à prouver qu’entre une aperception vraie et une aperception fausse il n’y a pas de limite saisissable, l’intervalle étant rempli par une infinité d’aperceptions dont la différence est infiniment petite (Cic., Acad. Quœst., lib. ii, c. 29 sqq.).

Si la certitude absolue est impossible, si le doute absolu est une extravagance, il ne reste au bon sens que la vraisemblance, la probabilité. Disciple d’Arcésilas sur ce point, comme sur tous les autres, mais disciple toujours original, Carnéade fit d’une opinion encore indécise un système régulier, et porta dans l’analyse de la probabilité, de ses degrés, des signes qui la révèlent, la pénétration et l’ingénieuse subtilité de son esprit (Sextus, Adv. Mathem., p. 169 B ; Hyp. Pyrrh., lib. i, c. 23).

Après Carnéade, la chute de l’Académie ne se fit pas attendre. Clitomaque écrivit les doctrines de son maître, mais sans y rien ajouter de considérable (Cic., Acad. quœst., lib. ii, c. 31 sqq. ; Sextus, Adv. Mathem., p. 308). Ni Charmadas, ni Melanchtus de Rhodes, ni Métrodore de Stratonice, ne parvinrent à relever l’école décroissante. Enfin Antiochus et Philon, comme épuisés par la lutte, passèrent à l’ennemi.

Philon ne combat qu’avec mollesse le critérium stoïcien, la célèbre φαντασία καταλεπτική, si vigoureusement pressée par Arcésilas et Carnéade. Il alla même jusqu’à accorder à ses adversaires qu’à parler absolument la vérité peut être comprise (Sextus, Hyp. Pyrrh., lib. i, c. 23). L’Académie n’existait plus après cet aveu.

Antiochus s’allie avec le vieil adversaire de sa propre école, le stoïcisme. Il ne veut reconnaître dans les diverses écoles académiques que les membres dispersés d’une même famille, et rêvant entre toutes les philosophies rivales une harmonie fantastique, du même œil qui confond Xénocrate et Arcésilas, il voit le stoïcisme dans Platon (Cic., l. c., c. 22, 42, 43, 46 ; de Nat. Deor., lib. i, c. 7).

Cette tentative impuissante d’éclectisme marque le terme des destinées de l’École académique.

Voyez, outre les ouvrages que nous avons cités et les histoires générales de la philosophie, Foucher, Histoire des Académiciens, in-12, Paris, 1690 ; le même, Dissert. de philosophia academica, in-12, Paris, 1692 ; Gerlach, Commentatio exhibens academicorum juniorum de probabilitate disputationes, in-4, Goëtt.

                  Em. S.

ACCIDENT, (de accidere, en grec συμβέβηκοζ). On appelle ainsi, dans le langage de la scolastique et de la philosophie aristotélicienne, toute modification ou qualité qui n’appartient pas à l’essence d’une chose, qui n’est pas l’expression de ses attributs constitutifs et invariables. Tels sont les vices par rapport à l’âme et le mouvement par rapport au corps : car