Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1844, T1.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PRÉFACE. xiij

depuis si longtemps oublié de la métempsycose. Autrefois elle se vantait d’avoir l’appui des sciences naturelles, et c’est par là qu’elle imposait le plus à quelques esprits ; mais voilà que cette dernière ressource commence aussi à lui faire défaut : car les sciences naturelles, en y comprenant la physiologique, n’ont pas pu se soustraire à la révolution générale qui s’est opérée dans les idées ; elles rendent aujourd’hui témoignage en faveur du spiritualisme.

Enfin, si nous prêtons l’oreille aux échos qui nous arrivent de l’autre côté du Rhin, nous entendons accuser notre méthode ; nous entendons dire que notre philosophie, la philosophie française en général, manque d’unité et de hardiesse, qu’elle ne présente pas, comme certaines doctrines allemandes, un vaste système où l’expérience n’entre pour rien, où tout est donné à la spéculation pure, j’allais dire à l’imagination ; où tout enfin, depuis l’être absolu jusqu’au dernier atome de matière, est expliqué a priori, comme ils disent, au moyen d’un principe arbitraire que la pensée, maîtresse absolue d’elle-même, adopte ou rejette, modifie et transforme comme il lui plait. Nous avouons sans détour que nous acceptons le reproche, et nous allons même jusqu’à nous en féliciter ; d’abord il peut servir de réponse à la susceptibilité patriotique de ceux qui nous accusent d’abandonner les traditions philosophiques de notre pays, pour nous faire les humbles disciples de l’Allemagne, ce qu’au reste nous n’hésiterions pas à faire si la vérité était à ce prix ; il a, en outre, l’avantage de constater comme un fait, comme une habitude de notre esprit, ce qui est le but le plus constant de nos efforts et la plus grave obligation que nous nous imposions à nous-mêmes. Oui, c’est précisément ce que nous voulons, de ne pas sacrifier à la folle espérance d’atteindre en un jour à la science universelle les connaissances positives que nous pouvons acquérir en interrogeant modestement l’histoire de notre propre conscience, et en appliquant les forces du raisonnement à des faits bien constatés. Oui, c’est ce que nous voulons, de ne pas mettre nos rêves a la place de la réalité, de ne pas nous ériger en prophètes ou en génies créateurs, quand la nature est là