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viij PRÉFACE.

et porte en elle-même, avec l’empreinte de son origine, le gage de son immortalité.

4°. En morale, nous ne connaissons point de transaction entre la passion et le devoir, entre la justice éternelle et la nécessité, c’est-à-dire l’intérêt du moment. L’idée du devoir, du bien en soi, est pour nous la loi souveraine, qui ne souffre aucune atteinte et repousse toute condition, qui oblige les États et les gouvernements aussi bien que les individus, et doit servir de règle dans l’appréciation du passé comme dans les résolutions pour l’avenir. Mais nous croyons en même temps que, sous l’empire de cette loi divine, dont la charité et l’amour de Dieu sont le complément indispensable, tous les besoins de notre nature trouvent leur légitime satisfaction ; toutes les facultés de notre être sont excitées à se développer dans le plus parfait accord ; toutes les forces de l’individu et de la société, rassemblées sous une même discipline, sont également employées au profit, nous n’osons pas dire du bonheur absolu, qui n’est pas de ce monde, mais de la gloirc et de la dignité de l’espèce humaine.

5°. Dans toutes les questions relatives à Dieu et aux rapports de Dieu avec l’homme, nous avons fait au sentiment sa part, nous avons reconnu, plus qu’on ne l’a fait avant nous peut-être, sa légitime et salutaire influence, tout en maintenant dans leur étendue les droits et l’autorité de la raison. Nous accordons à la raison le pouvoir de nous démontrer l’existence du Créateur, de nous instruire de ses attributs infinis et de ses rapports avec l’ensemble des êtres ; mais par le sentiment nous entrons en quelque sorte en commerce plus intime avec lui, et son action sur nous est plus immédiate et plus présente. Nous professons un égal éloignement et pour le mysticisme, qui, sacrifiant la raison au sentiment et l’homme à Dieu, se perd dans les splendeurs de l’infini, et pour le panthéisme, qui refuse à Dieu les perfections mêmes de l’homme, en admettant sous ce nom on ne sait quel être abstrait, privé de conscience et de liberté. Grâce à cette conscience de nous-mêmes et de notre libre arbitre sur laquelle se fondent à la fois et notre méthode et notre philosophie tout