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communes, ils ont leurs domiciles dans des lieux éloignés de toute habitation ; dans les églises même ils ont des places distinctes et des bénitiers à part. Aussi sont-ils voués à des métiers vils et mènent-ils une vie misérable et abjecte. Il résulte de plusieurs monuments anciens qu’ils portèrent autrefois le nom de chrétiens, et l’usage de cette dénomination n’est pas encore perdu pour nous. Eux, de leur côté, nous appellent pellutas[1], c’est-à-dire velus ou chevelus, d’où certains ont conjecturé assez ingénieusement que ce sont des restes des Goths, autrefois maîtres de l’Aquitaine ; que la répugnance si marquée des Gascons pour ces êtres misérables provient de leur vieille haine contre les Goths, leurs éternels ennemis : que ce nom de chrétiens leur fut donné par des hommes encore étrangers à la foi chrétienne, et est ainsi resté jusqu’à nos jours attaché à cette lie des Goths ; enfin que le nom de pellutas ou de chevelus doit être rapporté à l’ancienne habitude qu’avaient les Aquitains de laisser croître leur chevelure[2]. »

Six ans plus tard, un historien ecclésiastique, ayant à parler des éléments étrangers que les événements politiques avaient portés dans la population de l’Aquitaine, exprime la croyance où il est que les Cagots descendent des Goths : « Le second meslange, dit-il, fut fait au temps de l’Empereur Honoré qui livra ce Païs aux Gots, lesquels

  1. Ici Oihenart transporte matériellement dans le latin un mot basque. Peloutac, s’il faut en croire M. Larrégorry, instituteur à Larceveau, est le nom que donnent les Agotac au reste de la population. « Ellos (m’écrivait D. José Matias Elizalde, ancien supérieur des Prémontrés d’Urdax, à propos des Agots) Haman perlutas à los que no son de su raza. » Une autre personne native de la vallée de Baztan, et à laquelle le texte d’Oihenart était inconnu, me disait que dans sa jeunesse, toutes les fois qu’elle rencontrait un Agot, elle lui criait : Agote, agote ! À quoi celui-ci répondait : Perlute, perlute ! Je n’ai pu trouver ce mot dans les dictionnaires.
  2. Notitia utriusque Vasconiæ. Authore Arnaldo Oihenarto Mauleosolensi. Parisiis, sumptibus Sebastiani Cramoisy… m. dc. xxxviii. in-4 ; lib. iii, cap. v, pag. 414, 415.