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seurs avoient donné permission à quelque partie de ses peuples de s’allier avec le reste des Chrestiens, qui tesmoigne que c’estoit une maladie de l’ame et non du corps. Aussi en quelques lieux la coustume du Pays leur deffend de porter armes, ny mesmes avoir des cousteaux qui ne soyent emoussez. A quoy sont bonnes ces deffences, si ce n’est pour marque et tesmoignage de sedition et rebellion, compagne certaine et infaillible de l’Heresie ? Cecy a beaucoup d’apparence : car les médecins ne sont pas d’accord que ces hommes soient taschez d’aucun mal contagieux. Ils en ont fait espreuve par la saignee, n’ayant peu recognoistre aucune chaleur extraordinaire en leur sang, qui eust fondu tout aussi tost le sel qu’on jettoit dedans, s’il eust esté entasché de lepre. D’ailleurs ils sont forts, robustes, et gaillards, comme le reste du peuple. Que si c’estoit quelque espece de ladrerie, les autres contrees, voire les autres Royaumes, n’en seroient pas exempts. Or il ne se trouve de ceste race de gens en lieu de la terre, qu’en la Guyenne et en Languedoc, où fut ceste grande deffaite des Gots au temps du Roy Clovys, ce qui me faict croire que ce sont les restes de ce peuple[1]. » Le conseiller ajoute qu’il est confirmé dans son opinion par le nom des Cagots, qu’il dit être une altération de Cans Gots, qui signifie chiens goths, et termine par quelques considérations sur les noms de Chestiens et de Gahets, sur lesquelles nous aurons à revenir.

Le père de la chirurgie française, abusé par la tradition populaire, range les Cagots parmi les lépreux ; seulement, les voyant aussi beaux et aussi sains en apparence que le reste des hommes, il invente une classe de ladres, pour les y placer, au lieu d’examiner sans préventions la

  1. L’Antichrist, par Florimond de Ræmond…, dernière édition. À Cambray, de l’imprimerie de Jean de la Riviere, x.dc.xiii. in-8 ; chap. xli p. 567, 568.