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mille francs par an. Mais un enfant comprendrait qu’à partir de la seconde année l’affaire entre en pleine prospérité et que tout le monde achètera l’alcool Mazarakis-Meillan et Compagnie. Ce n’est donc pas dix mille, c’est trente mille litres par jour qu’il faut compter au minimum. Enfin, un total approximatif d’un million par an : cinq cent mille francs pour Mazarakis, — tu vois la part du lion que je lui fais en rémunération de sa misérable avance : lancement de l’affaire, achat de la mine et du matériel d’exploitation, — et cinq cent mille francs pour ton père, qui cette fois, se reposera… Cinq cent mille francs par an ! Et rien à faire que les voir tomber dans sa poche, à échéances fixes… Ah ! mon enfant, je t’assure qu’à ce moment-là, nous mènerons un autre train de vie. Nous mettrons Eugénie à la porte, à moins que nous ne l’élevions à la dignité d’intendante générale de la maison. Car, j’y ai pensé, il nous faudra une intendante pour simplifier les comptes et les dépenses. J’ai calculé, qu’avec le groom, la voiture, les deux chevaux toujours prêts à l’écurie, la femme de ménage, les réceptions et puis… ta petite pension, çà ferait soixante mille francs par an. Eh bien ! c’est quatre cent vingt mille francs que je mets de côté chaque premier janvier pour tes enfants. Car j’espère bien que tu vas te marier et me quitter cette vie d’oisif et d’inutile que jusqu’ici j’ai eu la faiblesse de te laisser mener. Ta fille aura une jolie dot, mon petit.

M. de Meillan, se frappant le front tout à coup, reprit ses calculs sur son calepin.

— Ah ! j’oubliais l’achat de l’hôtel. Tu penses bien que nous ne resterons pas où nous sommes. Non. Je guigne un petit taudis délicieux, dans un recoin de la rue Nicolas. Pas plus de deux étages, mais un bijou, avec une cour et un jardin. Elle est à vendre.