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voulait pas de mal, au moins — flirter d’une manière indécente et prolongée avec ce pauvre Lanturlut dont la faible tête tout étourdie admettait déjà les terribles conséquences d’un mariage avec le rejeton d’une famille aussi tarée, et pendant qu’elle ajoutait des réflexions personnelles et surégatoires sur Madame et M. Brémond et même sur le grand-père Brémond, heureusement décédé d’ailleurs au moment où… mais, chut ! elle n’en dirait jamais plus long… Jacques suivait le cours de ses pensées :

— Et cependant une voix intérieure me dit que j’ai eu grand tort de ne pas demeurer à mettre du baume dans l’âme de Juliette, et que la Providence, en leur envoyant dans ces cas-là une série avertisseuse de désastres et de déceptions, se venge toujours des petits jeunes gens qui, pour mieux suivre un vol inaccessible d’images trop douces, se sont volontairement soustraits à de plus beaux devoirs… Allons, allons ! mon cher Jacques, réconcilie-toi avec toi-même. Tu as une belle âme, au fond, une âme d’apôtre que ce remords à lui seul te révèle. D’ailleurs, Juliette se console.

Elle dansait en effet, avec des yeux bien brillants, et une rapidité terrible, entraînant comme une plume Lanturlut qui comprenait de moins en moins, mais dont les parents commençaient à se demander avec crainte jusqu’où cela les mènerait.

La voix intérieure ne s’était pas trompée, contrairement à ce qui arrive d’habitude aux voix intérieures lesquelles, très mal informées et très présomptueuses, bafouillent dans le cachot malcommode de la conscience, un tas de prophéties aussi confuses que désobligeantes, et bien propres à égarer la conduite. La Providence, en effet, refusa au pauvre Jacques le revoir de sa bien-aimée, et ce fut en quelque sorte un bien pour son illusion, si ce fut une tris-