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contre son buste élégant, souffrait d’une légère crispation. Il s’appuya au buffet, et avec un vague espoir scruta la foule bruyante. Ce fut Augustin Paillon qui en sortit.

— Te voilà ! dit-il. (Il le tutoyait depuis qu’il l’avait guéri dans son enfance d’une fluxion de poitrine). Comment te trouves-tu ici !

— Mais pas mal et vous-même ?

— Je veux dire : comment se fait-il que l’on t’ait invité ?

— Oh ! dans le tas, on ne fait pas attention.

— C’est par Lanturlut, sans doute ?…

— Je pense en effet que Lanturlut m’aura recommandé à Madame Morille. C’est gentil ici…

— Très gentil… C’est la première fois que j’y viens… J’ai fait la connaissance de Mazarakis, hier au soir, au café. Il m’a présenté… Tu n’as pas vu sa femme ?

— Je ne la connais pas.

— Tu ne connais pas Madame Mazarakis ?… C’est une femme admirable, mon cher. Quelle ligne ! Quelles épaules !… Il y a un quart d’heure que je ne la retrouve plus.

— À propos, mon père vous attend au café Turc.

— Je l’ai déjà vu… Ah ! mon ami, ce n’est pas pour le lui reprocher. Je sais que tu le respectes ; mais ce qu’il est rat avec moi !… Comment ! un homme qui sait que mon héritage des Doges est absolument incontestable, qui sait, — je le lui ai promis, — qu’il aura un million sur douze, s’il veut m’aider, devine ce qu’il a eu l’audace de m’offrir quand je lui ai révélé tout à l’heure, en partie seulement, les embarras momentanés où je me trouve.

— ?…

— Cent sous, mon cher ! Il a eu le front de m’offrir cent sous. Sans commentaires, n’est-ce pas. Un vieil ami, avec lequel j’ai toujours partagé sans compter… Retiens