Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je voudrais avoir la plume de Paul Bourget, le scepticisme d’Abel Hermant et l’enthousiasme de Georges Ohnet pour décrire le bal de Madame Morille. Cette fête fut semblable à bien d’autres, mais il lui manque un historiographe digne d’elle, et vraisemblablement cet annaliste lui manquera longtemps encore, car il est tout à fait au dessus de mes forces de donner une impression, même approximative, de l’ensemble de cette soirée mémorable.

Madame Morille se faisait un honneur de ne refuser l’entrée de ses salons à aucune personne de la ville pour peu qu’elle se fût distinguée sur une branche quelconque de l’arbre social, par l’éclat du plumage, la qualité de la griffe ou la nouveauté du cri. C’est ainsi qu’on y rencontrait la très haute et très irréprochable dame Juigné de Chamaré en même temps que M. de Rappapont, qui dirigeait une agence de Mont-de-Piété et faisait fabriquer par de pauvres peintres de faux tableaux de maîtres, tout enduits à leur naissance de cette patine superbe et fauve