n’a plus aucune innocence, c’est entendu. C’est plein de vice et de pensées malsaines et ça n’éprouve aucun respect pour les femmes, au contraire.
Ah ! malheur ! introduire ça dans nos salons ! et penser que ça va devenir amoureux ! et savoir (l’expérience est écrasante), que ça va avoir des aventures avec quelques-unes des dames très convenables qui sont là, précisément les mères des jeunes filles de tout à l’heure !
Ah ! comme c’est triste qu’on ne puisse s’en passer ! comme c’est triste que la Société ne soit un perpétuel bal blanc !…
Il n’y a pas à se dissimuler qu’on n’aime pas le jeune homme. Et cependant… Oh ! je suis sûr qu’on l’a méconnu, je suis sûr que si vous aviez pu lire dans l’âme de mon ami Jacques de Meillan, le jour où il se prépara à son premier bal, vous auriez changé d’avis sur le jeune homme en général, et non pas seulement sur celui-ci en particulier, car mon ami Jacques de Meillan est en quelque sorte un être représentatif, et n’a rien d’exceptionnel que sa vie. Mais son âme, sa belle âme est pareille à mille autres belles âmes de jeunes gens, engoncées dans les lamentables vêtements de l’âge ingrat.
Donc, Jacques de Meillan était très ému. Sur sa table de travail, depuis la veille était ouverte une invitation de Madame Morille, la femme du distingué M. Morille, le riche entrepreneur de démolitions, et depuis la veille il se pénétrait de l’honneur qui lui était fait, à lui, adolescent pauvre et obscur, par l’illustre, la puissante famille Morille, dont les relations embrassaient toute l’échelle sociale (selon l’heureuse expression de M. Morille le grand’père), depuis les millionnaires Gérassimos Mazarakis et les très aristocratiques Juigné de Chamaré, en passant par la troupe anonyme mais remuante des Lanturlut,