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Madame Brémond partageait à l’égard de Juliette le préjugé commun à toutes les mères de famille qui de distraient aux alentours de la maison conjugale : elle la croyait ignorante de ses démarches comme de ses pensées. Il y a des réalités de la vie sociale qu’une jeune fille doit ignorer. Malgré le nombre invraisemblable de livres révélateurs qu’on lui abandonne, et il est bien permis, n’est-ce pas, de profiter de cette ignorance dans les limites les plus étendues.

Or, Juliette ne pardonnait pas à sa mère d’aimer, et d’aimer si souvent, et d’aimer avec tant d’audace, et d’aimer jusque chez elle le petit Juigné de Chamaré. Elle ne le lui pardonnait pas puisqu’elle en souffrait et elle en souffrait pour mille raisons confuses dont la plus puissante était un certain sentiment de l’absolu [illisible], certes ! puisqu’il conduit ceux qu’il possède aux pires malentendus sur la conception qu’il convient de se faire de la vie quotidienne. Madame Brémond était bien libre, puisque M. Brémond l’avait trompée, et tant d’amants après lui, de continuer, en compagnie d’un très jeune