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« D’ailleurs, le mieux serait peut-être de la persuader de réintégrer ses foyers. Son caractère et le tien sont éminemment peu faits pour se comprendre ; mais tu verras toi-même quelle conduite tu auras à choisir en ces circonstances. Je te donne carte blanche. Il est bon que parfois je te laisse en face des initiatives de la vie,… pas lorsqu’elles sont trop graves, car alors, mon pauvre petit, quel pataugement !… Mais enfin, tu es encore capable de laisser partir une bonne.

« Je t’exhorte à ne pas faire de folles dépenses. N’invite pas trop souvent tes amis, ne commets aucune excentricité. En un mot, conduis-toi avec une parfaite modération, comme doit le faire un gentleman et le fils d’un homme engagé dans d’importantes entreprises.

« Je t’envoie un mandat-poste de quinze francs pour les dépenses courantes. Sous peu, je ferai mieux, beaucoup mieux, mais il faut savoir attendre. Toute la force de ton père a été de savoir attendre.

« S’il venait des gens pour me faire visite, non seulement tu devras ignorer où je me trouve, mais encore, si tu les vois se porter à quelque extrémité fâcheuse, opposer une inertie absolue à leurs prétentions et réclamations. Rappelle-toi bien cela. Cet indécollable Barboto pourrait bien encore venir t’importuner, comme il m’a importuné, moi, depuis tantôt onze ans…

« Adieu, mon cher fils, sois sérieux, montre-toi un maître de maison digne de la charge que je t’abandonne et crois bien à toute l’affection tendre et dévouée de ton père,

« Pierre de Meillan ».

P.-S. — « Prends aussi soin du vautour. Je ne tiens pas à ce que l’oncle Adolphe le trouve mort, si jamais il re-