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dence sur le bureau, avec la boîte à poudre de chasse de l’oncle Adolphe posée dessus, en presse-papier.

Et M. Cabillaud tendit à Jacques une feuille blanche sur laquelle étaient écrits ces mots :

— Je ne rentrerai pas dîner ce soir. Je pars. Inutile de s’inquiéter de moi.

Pierre de Meillant.

— Que voulez-vous que je vous dise ? demanda Jacques. Mon père est parti, je n’y peux rien.

— Eh bien ! et nous ? Qu’est-ce que nous allons devenir, nous ?… Il s’en va, comme ça, sans avertir d’avance, sans laisser un sou… Ah ! voilà de quoi briser la plus sereine philosophie… Pour quelqu’un qui a besoin de ménagements, ce sont des coups à vous démolir… Je rentre tranquillement, sans penser à rien, ne songeant qu’à me garer des chocs et des mouvements brusques, pour ma jambe, et pan ! je lis ce billet… Mon sang est monté d’un bond dans ma tête, il est redescendu d’un autre bond : il m’a pris une faiblesse, je suis tombé. J’ai eu beau me retenir à une chaise, ma jambe a fait : Crac !… Et maintenant c’est fini : je ne peux plus la remuer… Et tout cela, par la faute de ton père… Sans compter l’inquiétude où il nous laisse. Où est-il allé, maintenant ?

— Je n’en sais rien.

— Nous voilà frais !… Et la bonne qui est dans tous ses états !

Jacques alla dans la cuisine. Il y vit Eugénie qui, assise sur une chaise dépaillée, pleurait devant le vautour, et le vautour qui la regardait de ses yeux impassibles et fatigués..

— Mon pauvre Coco ! disait-elle, mon pauvre Coco, c’est fini ! Le patron est parti. Nous sommes perdus, nous som-