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En montant son escalier[1], Jacques de Meillan fut surpris d’entendre des cris violents qui lui parurent avoir sa chambre pour lieu d’origine. Il se frappa le front terrifié. C’était son jour de réception pour ses amis littérateurs, et il l’avait oublié. Il grimpa avec la rapidité d’un ascenseur car, en une seconde de vision prophétique, il avait vu ses biens livrés au pillage, sa bibliothèque saccagée, sa tortue écartelée par la malice sans bornes qui caractérise les gens

  1. Cet intermède n’a aucun rapport avec le chapitre précédent, ni non plus d’ailleurs avec le reste de l’action. C’est en quoi il ressemble étrangement à la vie réelle qui n’a pas l’habitude, comme chacun sait, de coordonner les événements du soir avec nos actes du matin. Je l’écris néanmoins, violant ainsi les règles de la composition, parce qu’il révèle tout un côté de la vie de mon ami Jacques de Meillan qu’on n’aurait jamais connu, si on l’avait seulement suivi chez Juliette, chez Mme Morille, ou chez son père. Il faut savoir respecter les formes les moins apparentes de la vérité.
    Si donc cet intermède ennuyait trop, il serait facile de le supprimer à la représentation, je veux dire à une lecture à haute voix. D’ailleurs, il est loisible d’étendre ce procédé à chacun des autres chapitres à volonté, mon roman pouvant se lire dans tous les sens, et ne perdre un iota de son charme et de sa haute portée philosophique.