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veut imiter la coupe, la jupe chaste, douce et jolie d’une jeune fille.

— Laissez-moi, continua-t-il, mettre ma tête sur vos genoux. Il me semble que ma migraine en ira mieux.

— Vous n’avez pas la migraine très fort, dit-elle. Mais vous êtes comme les chats, vous pensez à vous, à votre bien-être, à vos petites émotions. Je suis sûre que vous ne songez à moi, et ne me plaignez que quand je suis là !

— Peut-on dire ? je pense tous les jours à vous. Je vous désire heureuse. J’imagine un prince charmant qui vient vous chercher… Il ne ressemble pas à Lanturlut… Mais je vous jure que je commence à avoir une migraine terrible et que, si vous me laissiez me reposer comme je vous le demande, j’irais tout de suite mieux.

— Est-ce que vous songez à la conclusion qu’en tirerait grand’mère, si elle rentrait !

— Je dirai que je me baisse pour ramasser le dé à coudre. Tenez ! je le pose à l’instant par terre, le dé à coudre. Il sera prêt.

— Et puis, à force de ne pas entendre le bruit d’une lecture, elle croira que vous ne lisez pas.

— Je réciterai tous les vers que je sais par cœur, sans m’emballer, avec l’air bête de quelqu’un qui les lirait sur le papier.

Il s’avança encore et posa sa tête sur les genoux de Juliette.

— Comme je suis bien ! pensait-il, vraiment je ne peux pas être mieux. Quand je songe à me faire fakir, c’est une telle immobilité qu’il me faudrait. Je suis délicieusement bien ; mais comme ma tête est grosse ! Quand elle est droite sur les épaules, ça passe encore ; mais, comme cela, inclinée de côté et posée, elle me fait l’effet d’être pesante comme une poire monstrueuse et vide comme un boulet