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LA COUR À PARIS.

Le roi et sa famille profitaient de ces moments de calme pour visiter les monuments et les établissements de Paris, et pour faire, tous les matins, des promenades dans le jardin des Tuileries. On ne l’ouvrait au public qu’à midi ; avant, on n’y entrait qu’avec des cartes de service. Quand l’heure nous y surprenait éloignés du château, le peuple se portait en foule du côté où le roi ou quelques princesses se trouvaient ; et je dois dire, non pour faire l’éloge des Parisiens, mais pour montrer combien les révolutionnaires durent avoir de peine à changer l’esprit du peuple français, je dois dire qu’il nous suffisait de faire une haie derrière le prince ; le respect qu’on lui portait encore était la plus forte barrière qu’on pût opposer à l’ardente curiosité de la multitude.

Tout cela, néanmoins, ne dura que quelques mois. Bientôt l’esprit changea tellement qu’aucun de ces illustres malheureux ne pouvait paraître, même aux fenêtres, sans être insulté. La curiosité était quelquefois si forte, et les dimanches, seuls jours où l’on entrait aux Tuileries sans billets, la foule était si considérable qu’à peine pouvions-nous pénétrer dans les salles et sur les escaliers pour arriver aux appartements où nous appelait notre service. C’était un vaste champ pour les filous ; aussi s’y exerçaient-ils amplement. Je me souviens qu’un particulier, qui, apparemment, avait été plusieurs fois la dupe de leur adresse, leur joua un jour un tour fort curieux. Il avait mis un petit piége dans sa poche ; un fripon y fut pris, et, poussant