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5 OCTOBRE.

À onze heures, parut enfin le général La Fayette, le sourire sur les lèvres, la perfidie dans le cœur. Il entra chez le roi ; dans un entretien d’une demi-heure, il persuada, ou plutôt crut avoir persuadé le monarque par les assurances qu’il lui donna, qu’il devait être en parfaite sécurité, et vint répéter aux personnes rassemblées dans l’antichambre ses astucieuses promesses. Le roi congédia son service, espérant sauver quelques victimes. Chacun se retirait ; et, l’inquiétude dans le cœur, on attendit la fin de cette nuit, dont le réveil horrible devait se faire aux cris amers d’une reine menacée, au râlement de la garde égorgée, et aux hurlements des assassins.

Dans le silence de cette nuit ténébreuse, le roi, s’il l’eût voulu, pouvait encore s’échapper. Les gardes du corps l’escortaient dans sa route ; les premiers châteaux auraient fourni les voitures et les relais dont on manquait. À la vérité, les dangers de la fuite étaient grands ; les malheurs qui pouvaient en résulter pour Versailles, incalculables ; mais, pouvaient-ils entrer en comparaison avec ceux qui menaçaient, dans son palais, la famille royale ? Si le roi put concevoir ce projet, le traître Necker, le pusillanime Montmorin le lui firent bientôt abandonner.

Les événements de cette horrible nuit ont été vus de bien peu de personnes. La Fayette dormait du sommeil du tigre ; il fermait l’œil en guettant sa proie ; et le comte d’Estaing, oubliant les victoires de la Grenade, la gloire de ses aïeux, et son écusson qui devait