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SOUVENIRS D’UN PAGE.

grille de l’Orangerie, et celles de la reine par la porte du Dragon, mais la garde nationale de Versailles, la plus factieuse du royaume, quoique formée de tous les serviteurs du roi, s’y opposa. Ce fut un des chefs d’accusation qui fit condamner le malheureux Favras.

Vers les neuf heures du soir, un bruit extraordinaire, dans la rue de l’Orangerie, où était notre hôtel, nous fit courir aux fenêtres. C’était la colonne des gardes du corps qui gagnait à toute bride, par la rue de la Surintendance, la cour des Ministres, et abandonnait la Place d’Armes où des décharges multipliées, dont plusieurs partaient des rangs de la garde nationale de Versailles, les mettaient dans le plus grand danger.

Vers dix heures, je me rendis au château pour mon service. Toute cette partie de la ville était calme ; le silence des rues n’était interrompu que par les hurlements que poussaient, de temps à autre, les bandits rassemblés sur la Place d’Armes. Je trouvai les gardes du corps en bataille, dans les jardins, sous les fenêtres de la reine. Le poste de la cour des Ministres présentait encore trop de dangers ; et bientôt le roi leur envoya l’ordre de se rendre à Rambouillet. Il ne resta pour la défense du palais des rois qu’environ cent cinquante gardes fidèles ; toutes les autres troupes avaient vendu leur honneur.

L’Œil-de-Bœuf était rempli d’une foule de gens amenés par mille motifs différents, et qui portaient sur leur figure la trace des sentiments qui les animaient.