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SOUVENIRS D’UN PAGE.

l’exil du premier prince du sang et le détail des fautes de Brienne sont du domaine de l’histoire. Le cardinal, effrayé, quitta le ministère et alla cacher sa honte dans sa terre de Brienne. Sa retraite entraîna celle de son frère, qui fut remplacé par le marquis de Puységur. Le baron de Breteuil le fut par M. Laurent de Villedeuil, frère du mécanicien célèbre qui, au moyen d’un bras d’argent, rendit à un invalide les facultés qu’il avait perdues. M. de Barentin fut garde des sceaux, et la cour, désespérée, se décida enfin au rappel de M. Necker.

Sorti des emplois obscurs de la banque, ce Genevois, sous un extérieur simple, cachait un immense orgueil, un entêtement à toute épreuve et une étonnante vanité que lui avaient inspirés les éloges dont le parti des économistes ne cessait de l’accabler. Pendant son premier ministère, il avait retardé un instant la ruine de la France par des emprunts qui devaient l’amener infailliblement plus tard ; et il vint enfin creuser lui-même l’abîme, par le peu de solidité de ses projets financiers, et surtout par sa funeste idée de la double représentation du tiers-état que, malgré tout le conseil, il fit souscrire au roi dont il avait su captiver l’esprit. Protestant, plébéien, Necker était l’ennemi des deux premiers ordres de l’État et le partisan des ennemis du trône et de la religion. Les siècles futurs se refuseront un jour à croire l’engouement qu’il avait inspiré, l’idolâtrie dont il fut un moment l’objet. Mais lorsqu’une fois son nom eut servi de pré-