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SOUVENIRS D’UN PAGE.

cher, la conversation s’engageait sur la géographie et la navigation, et surtout avec le sous-gouverneur du dauphin, M. du Puget, il n’y avait plus alors de raison pour qu’elle se terminât ; et la pendule sonnait plus souvent une heure du matin que minuit, lorsqu’on se décidait à s’arrêter.

Louis XVI n’eut point de favoris. Il avait beaucoup de considération pour quelques vieux seigneurs qui avaient rendu des services à l’État, et des préférences pour ceux de son âge qui lui avaient été attachés lorsqu’il était dauphin. De ce nombre étaient le duc de Laval, M. de Belzunce, le chevalier de Coigny, le marquis de Conflans ; mais la seule marque de faveur qu’il leur donnât, était de chasser ou de souper plus souvent avec lui. Quand il soupait avec ceux de sa chasse et qu’il jouait avec eux, son jeu était toujours modéré ; ils venaient au coucher, et le roi, en traversant ses cabinets, prenait l’argent nécessaire pour payer sa perte, et jamais je ne l’ai vu remettre plus de vingt écus au duc de Laval, contre qui il jouait presque toujours au billard ou au trictrac. Il y avait aussi quelques jeunes gens que le roi protégeait beaucoup, soit à cause de leurs mérites, soit en considération des services de leurs pères. C’étaient le duc de Richelieu, alors comte de Chinon, aujourd’hui au service de la Russie ; de Saint-Blancart, de la famille des Biron ; le jeune Chauvelin, qui, à vingt ans, avait une des plus belles places de la cour ; il la devait à la mort frappante de son père aux pieds de Louis XV, et il n’a su