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SOUVENIRS D’UN PAGE.

auteurs, et même sur le parterre, quoiqu’ils donnassent lieu à des querelles fréquentes. J’en ai vu éclater plusieurs. Un jour, un page de la grande écurie, nommé Frébois, prenait une bavaroise chaude sur le bord de la loge, lorsqu’un mauvais plaisant du parterre cria : « À bas la bavaroise ! » M. de Frébois se lève avec le plus grand calme, prend sa carafe et en arrose le parterre qui se culbutait, en riant beaucoup, pour éviter le bruyant liquide.

C’est dans cette salle que j’ai entendu un bon mot qui, montrant déjà le peu de respect qu’on portait à la famille royale, en ce moment présente dans une loge qu’elle s’était réservée, faisait presque prévoir le sort qui l’attendait. À une représentation de l’opéra de Paësiello, intitulé : Le roi Théodore à Venise, laquelle eut lieu en 1788, lors de la scène où le valet du roi confiant à Thadéo, l’hôte de la maison, l’embarras pécuniaire de son maître, répète plusieurs fois : « Que ferons-nous ? » une voix du parterre répondit : « Assemblez les notables ! »

Je remarquerai encore ici que tout Versailles vivait des bienfaits de la cour, et que cependant pas une ville en France ne se montra aussi acharnée contre la royauté. L’ingratitude des hommes ne parut jamais sous un aspect aussi révoltant. Mais le sort actuel de cette ville nous montre combien le bon La Fontaine a eu raison de dire :


Quant aux ingrats, il n’en est point
Qui ne meure enfin misérable.