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SOUVENIRS D’UN PAGE.

Mais qu’aurait dit ce grand roi lui-même, s’il eût vu ce château, construit à tant de frais, où l’art avait forcé la nature, abandonné, désert ; ses maîtres arrachés de leur asile ; l’herbe croissant dans les rues ; le lierre se faisant un passage dans la pierre et le marbre ; quelques invalides occupant son alcôve, et cachant, sous leurs baillons, les lambris dorés de la demeure des rois, les chefs-d’œuvre du grand siècle ?… Les projets des hommes sont écrits sur le sable ; leurs travaux ont des fondements d’argile.

Louis XIII acheta l’emplacement d’un moulin, situé sur une élévation, pour y bâtir un petit château, simple rendez-vous de chasse. Ce fut Jean de Soisy qui lui en fit la vente, en 1627, sans être seigneur du village, qui dépendait alors de l’évêque de Paris, après avoir été le patrimoine de Martial de Loménie, greffier du conseil de Charles IX, et tué au massacre de la Saint-Barthélemy. Louis XIV, qui aimait les arts et que n’effrayaient point les difficultés, choisit cet endroit pour en faire la demeure des rois, abandonnant l’heureuse position de Saint-Germain, parce que la vue des tours de Saint-Denis, que l’on découvrait de là, l’attristait. Telle fut au moins l’une des raisons que l’on prêta au monarque, lorsqu’il choisit un lieu si ingrat, si marécageux, et où il eût été si difficile de rassembler tant de belles eaux sans le secours de l’ingénieuse machine de Marly. Malgré tant d’obstacles, le palais s’éleva avec une rapidité incroyable. En moins de sept années, la plus grande partie se trouva ache-