Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
SOUVENIRS D’UN PAGE.

manière, moins par l’ascendant d’un génie puissant sur un esprit timide que par ses qualités aimables. Avec une éducation plus soignée, une enfance moins gâtée, et quelques traverses de plus dans sa fortune, il aurait pu, comme son grand-oncle, gouverner l’esprit de ses maîtres.

J’étais destiné, ce semble, à voir, cette année-là, la dépouille mortelle de tous nos grands ministres. Je conduisis également le cercueil du duc de Fleury à Saint-Thomas-du-Louvre ; je le vis déposer dans la tombe du cardinal de Fleury ; et si j’avais conduit un Mazarin à sa dernière demeure, j’aurais vu les restes des trois plus grands ministres de la France, qui, tous les trois, régnèrent par des moyens différents, mais qui, tous les trois, régnèrent en maîtres, nous prouvant, par leur exemple, que la rigidité, la finesse et la douceur peuvent parvenir au même but.

Je ne prendrai point le maréchal de Richelieu à la cour de Louis XIV, nourri de bonbons dans l’appartement de madame de Maintenon, où peu de belles, même sous l’aile de la vertu, surent lui rester cruelles. Je ne le suivrai, ni dans ses nombreux voyages amoureux, ni à Mahon et à Closter-Seven, où la victoire le couronna ; ses historiens, si médiocres qu’ils soient, suppléeront à mon silence. Je ne l’ai vu que caduc, et pour ainsi dire sur le bord de la tombe, mais encore doué de cette gaîté, de cette amabilité et de cette légèreté qui furent comme les artisans de ses succès en politique et en amour.