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SOUVENIRS D’UN PAGE.

le jeta de suite, tout habillé, dans une fosse creusée la veille, à huit heures du soir, pendant qu’il soupait. La pelle et la pioche avaient été empruntées à l’un des gardes de la forêt.

Il était quatre heures et demie quand cette œuvre d’iniquité fut consommée.

Tout avait été calculé avec une cruelle précision pour ensevelir cet attentat dans les ombres de la nuit. La promptitude de l’enlèvement, la rapidité du voyage avaient eu pour but d’éviter les sollicitations et les réflexions. Le ministre de la police, Fouché, et le conseiller d’État, Réal, avaient dirigé le complot ; et le premier consul, aveuglé, était resté sourd à toutes les représentations de sa famille.

Le jugement fut d’autant plus atroce, qu’on n’avait trouvé chez les diverses personnes arrêtées, entre autres chez la baronne de Reich, enlevée à Strasbourg et déjà connue par ses relations avec le général Pichegru, lors du 19 fructidor, aucuns papiers qui pussent établir un complot ou une conspiration. Aussi, toutes ces personnes, notamment les aides de camp du prince, furent relâchées après quelques mois de prison.

Les cours étrangères s’empressèrent de faire adresser au Ciel les prières d’usage pour le repos de l’âme de ce prince infortuné. Ce fut l’abbé de Bouvens qui prononça, à Londres, son oraison funèbre, en présence de M. le comte d’Artois. Il prit pour texte ce passage des Machabées : Et lorsque Tryphon eut conçu le projet