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— Il était bien naturel que cette affaire nous intéressât comme si elle était nôtre. Ce qui vient de vous ne nous est jamais indifférent. Un de vos compatriotes l’a dit : « Les choses de France deviennent vite choses humaines. »

Et il poursuivit d’un accent plus grave :

— Surtout, ne croyez pas que le bon renom de la France, compromis par quelques malfaiteurs, soit pour cela perdu. Le peuple français est innocent de ces fautes et de ces crimes. Un peuple est toujours irresponsable parce qu’il est toujours inconscient, ou du moins qu’il ne parvient à la conscience que pour un petit nombre d’idées très grandes et très simples. En ce cas d’ailleurs il est certain que votre peuple a été trompé par ses journaux. Mais s’il est vrai que son ignorance a causé sa défaillance, s’il est vrai qu’il a essuyé une grande défaite morale, il est vrai pareillement qu’une petite poignée d’hommes courageux a sauvé l’honneur du pays. Vous savez en quelle estime nous tenons Zola et Picquart. La gloire d’Athènes est grande. Combien peu d’hommes font la gloire d’Athènes ! De tout temps, en tout lieu, les hommes qui honorèrent leur patrie en honorant l’humanité furent peu nombreux et le plus souvent méconnus, insultés, persécutés, condamnés à la prison, à l’exil, au supplice. Votre Renan, si je ne me trompe, a dit de bonnes choses dans ce sens.

Le professeur Caspar Esselens se tut, et comme il me sembla un peu plus inquiet que de raison sur l’issue de cette affaire si petite en