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Nous aurons raison, parce que nous avons raison.

Après qu’un conseil de guerre a condamné un innocent et qu’un deuxième conseil de guerre a acquitté un coupable, condamnant ainsi l’innocent pour la deuxième fois, il ne faut pas qu’un troisième conseil de guerre confirme deux sentences iniques par une troisième plus inique encore, et frappe un homme coupable d’aimer la vérité d’un amour héroïque, coupable de s’être donné tout entier à une juste cause.

Avoir tout sacrifié à la paix de la conscience éveillée, c’est là le crime du colonel Picquart. Il lui assure l’estime de la France et du monde. La lumière vient. Picquart triomphera dans la lumière.

Mais si nous sommes certains du succès définitif de l’œuvre que nous accomplissons ici, nous redoutons avec trop de raison les effets de cet esprit d’imprudence qui entraîne nos adversaires aux abîmes. Nous redoutons une dernière iniquité, ou une suprême erreur. Nous la redoutons, non pour le colonel Picquart qui grandit dans l’épreuve, mais pour ses juges, pour la patrie, pour l’humanité tout entière. Nous pouvons tout craindre : on nous en a donné le droit. Cette semaine encore, ne nous est-il pas venu, du côté des accusateurs de Picquart, un exemple frappant d’aberration ? N’avons-nous pas entendu un général Mercier traiter d’arguties byzantines les clameurs de la pensée française, indignée contre l’injustice et le mensonge ?