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l’armée, qu’il n’y a pas de juges aussi indulgents et aussi capables de pitié que les juges militaires.

— Je suis heureux de vous l’entendre dire, répliqua M. Bergeret. Mais l’armée étant une administration comme l’agriculture, les finances ou l’instruction publique, on ne conçoit pas qu’il existe une justice militaire quand il n’existe ni justice agricole, ni justice financière, ni justice universitaire. Toute justice particulière est en opposition avec les principes du droit moderne. Les prévôtés militaires paraîtront à nos descendants aussi gothiques et barbares que nous paraissent à nous les justices seigneuriales et les officialités.

— Vous plaisantez, dit M. de Terremondre.

— C’est ce qu’on a dit à tous ceux qui ont prévu l’avenir, répondit M. Bergeret.

— Mais si vous touchez aux conseils de guerre, s’écria M. de Terremondre, c’est la fin de l’armée, c’est la fin du pays !

M. Bergeret fit cette réponse :

— Quand les abbés et les seigneurs furent privés du droit de pendre des vilains, on crut aussi que c’était la fin de tout. Mais on vit bientôt naître un nouvel ordre, meilleur que l’ancien. Je vous parle de soumettre le soldat, en temps de paix, au droit commun. Croyez-vous que depuis Charles VII, ou seulement depuis Napoléon, l’armée française n’ait pas subi de plus grands changements que celui-là ?

— Moi, dit M. Mazure, je suis un vieux jacobin, je maintiens les conseils de guerre et je