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cavalier. Ceux qui réclament le service de deux ans, vous les appelez des réformateurs, peut-être ; moi, je les appelle des démolisseurs. Et il en est de toutes les réformes qu’on propose comme de celle-là. Ce sont des machines dressées contre l’armée. Si les socialistes avouaient qu’ils veulent la remplacer par une vaste garde nationale, ce serait plus franc.

— Les socialistes, répondit M. Bergeret, contraires à toute entreprise de conquête territoriale, proposent d’organiser les milices uniquement en vue de la défense du sol. Ils ne le cachent pas ; ils le publient. Et ces idées valent bien peut-être qu’on les examine. N’ayez pas peur qu’elles soient trop vite réalisées. Tous les progrès sont incertains et lents, et suivis le plus souvent de mouvements rétrogrades. La marche vers un meilleur ordre de choses est indécise et confuse. Les forces innombrables et profondes qui rattachent l’homme au passé lui en font chérir les erreurs, les superstitions, les préjugés et les barbaries, comme des gages précieux de sa sécurité. Toute nouveauté bienfaisante l’effraye. Il est imitateur par prudence, et il n’ose pas sortir de l’abri chancelant qui a protégé ses pères et qui va s’écrouler sur lui.

» N’est-ce pas votre sentiment, monsieur Panneton ? ajouta M. Bergeret, avec un charmant sourire.

M. Panneton de la Barge répondit qu’il défendait l’armée. Il la représenta méconnue, persécutée, menacée. Et il poursuivit d’une voix qui s’enflait :