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Ils s’étaient connus en province. Le professeur voyait souvent dans ses promenades, au bord de la lente rivière, sur un vert coteau, les toits d’ardoise fine du château qu’habitait M. de la Barge avec sa famille. Il voyait moins souvent M. de la Barge, qui fréquentait la noblesse de la contrée, sans être lui-même assez noble pour se permettre de recevoir les petites gens. Il ne connaissait M. Bergeret, en province, qu’aux jours critiques où l’un de ses fils avait un examen à passer. Cette fois, à Paris, il voulait être aimable et il y faisait effort :

— Cher Monsieur Bergeret, je tiens tout d’abord à vous féliciter…

— N’en faites rien, je vous prie, répondit M. Bergeret avec un petit geste de refus, que M. de la Barge eut grand tort de croire inspiré par la modestie.

— Je vous demande pardon, Monsieur Bergeret ; une chaire à la Sorbonne, c’est une position très enviée… et qui convient à votre mérite.

— Comment va votre fils Adhémar ? — demanda M. Bergeret, qui se rappelait ce nom comme celui d’un candidat au baccalauréat qui avait intéressé à sa faiblesse toutes les puissances de la société civile, ecclésiastique et militaire.

— Adhémar ? Il va bien. Il va très bien. Il fait un peu la fête. Qu’est-ce que vous voulez ? Il n’a rien à faire. Dans un certain sens, il vaudrait mieux qu’il eût une occupation. Mais il est bien jeune. Il a le temps. Il tient de moi : il deviendra sérieux quand il aura trouvé sa voie.