Page:France - Opinions sociales, vol 2, 1902.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

III

M. de Terremondre était antisémite en province, particulièrement pendant la saison des chasses. L’hiver, à Paris, il dînait chez des financiers juifs qu’il aimait assez pour leur faire acheter avantageusement des tableaux. Il était nationaliste et antisémite au Conseil général, en considération des sentiments qui régnaient dans le chef-lieu. Mais comme il n’y avait pas de juifs dans la ville, l’antisémitisme y consistait principalement à attaquer les protestants qui formaient une petite société austère et fermée.

— Nous voilà donc adversaires, dit M. de Terremondre ; j’en suis fâché, car vous êtes un homme d’esprit, mais vous vivez en dehors du mouvement social. Vous n’êtes point mêlé à la vie publique. Si vous mettiez comme moi la main à la pâte, vous seriez antisémite.

— Vous me flattez, dit M. Bergeret. Les Sémites qui couvraient autrefois la Chaldée, l’Assyrie, la Phénicie, et qui fondèrent des villes sur tout le littoral de la Méditerranée, se composent aujourd’hui des juifs épars dans le monde et des innombrables peuplades arabes de l’Asie et de l’Afrique. Je n’ai pas le cœur assez grand pour renfermer tant de haines. Le vieux Cadmus était sémite. Je ne peux pourtant pas être l’ennemi du vieux Cadmus.