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universel des choses ? Et elle ne se lasse pas de nourrir ces espérances démesurées ? Mais peut-être n’a-t-elle pas beaucoup médité sur la nature des êtres et sur les conditions de la vie.

— Qu’importe ! dit le docteur. Je ne conçois pas votre surprise, mon cher monsieur Bergeret. Cette bonne dame a de la religion. C’est même tout ce qu’elle a au monde. Elle est catholique, étant née dans un pays catholique. Elle croit ce qui lui a été enseigné. C’est naturel !

— Docteur, vous parlez comme Zaïre, dit M. Bergeret. J’eusse été près du Gange… Au reste, la croyance à l’immortalité de l’âme est vulgaire en Europe, en Amérique et dans une partie de l’Asie. Elle se répand en Afrique avec les cotonnades.

— Tant mieux ! dit le docteur, car elle est nécessaire à la civilisation. Sans elle, les malheureux ne se résigneraient point à leur sort.

— Pourtant, dit M. Bergeret, les coolies chinois travaillent pour un faible salaire. Ils sont patients et résignés, et ils ne sont pas spiritualistes.

— Parce que ce sont des jaunes, dit le docteur Fornerol. Les races blanches ont moins de résignation. Elles conçoivent un idéal de justice et de hautes espérances. Le général Cartier de Chalmot a raison de dire que la croyance à une vie future est nécessaire aux armées. Elle est aussi fort utile dans toutes les transactions sociales. Sans la peur de l’enfer, il y aurait moins d’honnêteté.

— Docteur, demanda M. Bergeret, croyez-vous que vous ressusciterez ?