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taient deux « passionnelles ». Le directeur ne nous cacha pas qu’aux délinquantes il préférait les criminelles.

— J’en sais, dit-il, qui sont comme étrangères à leur crime. Ce fut un éclair dans leur vie. Elles sont capables de droiture, de courage et de générosité. Je n’en dirais pas autant de mes voleuses. Leurs délits, qui restent médiocres et vulgaires, forment le tissu de leur existence. Elles sont incorrigibles. Et cette bassesse, qui leur fit commettre des actes répréhensibles, se retrouve à tout instant dans leur conduite. La peine qui les atteint est relativement légère et, comme elles ont peu de sensibilité physique et morale, elles la supportent le plus souvent avec facilité.

« Ce n’est pas à dire, ajouta-t-il vivement, que ces malheureuses soient toutes indignes de pitié et ne méritent point qu’on s’intéresse à elles. Plus je vis, plus je m’aperçois qu’il n’y a pas de coupables et qu’il n’y a que des malheureux. »

Il nous fit entrer dans son cabinet et donna à un surveillant l’ordre de lui amener la détenue 503.

— Je vais, nous dit-il, vous donner un spectacle que je n’ai point préparé, je vous prie de le croire, et qui vous inspirera sans doute des réflexions neuves sur les délits et les peines. Ce que vous allez voir et entendre, je l’ai vu et entendu cent fois dans ma vie.

Une vieille femme, accompagnée d’une surveillante, entra dans le cabinet. C’était une