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Le lendemain matin, à six heures et demie, M. l’abbé Lantaigne achevait de dire sa messe dans la chapelle nue et solitaire. Seul, devant un autel latéral, un vieux sacristain plantait des fleurs de papier dans des vases de porcelaine, sous la statue dorée de saint Joseph. Un jour gris coulait tristement avec la pluie le long des vitraux ternis. Le célébrant, debout à la gauche du maître-autel, lisait le dernier évangile.

« Et verbum caro factum est », dit-il en fléchissant les genoux.

Firmin Piédagnel, qui servait la messe, s’agenouilla en même temps sur le degré où était la sonnette, se releva et, après les derniers répons, précéda le prêtre dans la sacristie. M. l’abbé Lantaigne posa le calice avec le corporal et attendit que le desservant l’aidât à dépouiller ses ornements sacerdotaux. Firmin Piédagnel, sensible aux influences mystérieuses des choses, éprouvait le charme de cette scène, si simple, et pourtant sacrée. Son âme, pénétrée d’une onction attendrissante, goûtait avec une sorte d’allégresse la grandeur familière du sacerdoce. Jamais il n’avait senti si profondément le désir d’être prêtre et de célébrer à son tour le saint sacrifice. Ayant baisé et plié soigneusement l’aube et la chasuble, il s’inclina devant M. l’abbé Lantaigne avant de se retirer. Le supérieur du séminaire, qui revêtait sa douillette, lui fit signe de rester, et le regarda avec tant de noblesse et de douceur que l’adolescent reçut ce regard comme un bienfait et comme une bénédiction. Après un long silence :