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trer l’humilité originelle de ces codes qu’on veut rendre augustes et qui ne sont en réalité qu’un amas bizarre d’expédients.

Hélas ! les lois sont de l’homme ; c’est une obscure et misérable origine. L’occasion les fit naître pour la plupart. L’ignorance, la superstition, l’orgueil du prince, l’intérêt du législateur, le caprice, la fantaisie, voilà la source de ces grands corps de droit qui deviennent vénérables quand ils commencent à n’être plus intelligibles. L’obscurité qui les enveloppe, épaissie par les commentateurs, leur communique la majesté des oracles antiques. J’entends dire à chaque instant, et je lis tous les jours dans les gazettes, que maintenant nous faisons des lois de circonstance et d’occasion. Cette vue appartient à des myopes qui ne découvrent pas que c’est la suite d’un usage immémorial et que, de tout temps, les lois sont sorties de quelque hasard. On se plaint aussi de l’obscurité et des contradictions où tombent sans cesse nos législateurs contemporains. Et l’on ne remarque pas que leurs prédécesseurs étaient tout aussi épais et embrouillés.

En fait, Tournebroche, mon fils, les lois sont bonnes ou mauvaises moins par elles-mêmes que par la façon dont on les applique, et telle disposition très inique ne fait pas de mal si le juge ne la met point en vigueur. Les mœurs ont plus de force que les lois. La politesse des habitudes, la douceur des esprits sont les seuls remèdes qu’on puisse raisonnablement apporter à la barbarie légale. Car de corriger les lois