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» — Et vous voulez mettre des idées pareilles dans le Nouveau Siècle, pour couler la feuille ! Pas de ça ! mon ami, pas de ça !

» — Pourquoi voulez-vous que le riche agisse avec le pauvre autrement qu’avec les riches et les puissants ? Il leur paye ce qu’il leur doit, et, s’il ne leur doit rien, il ne leur paye rien. C’est la probité. S’il est probe, qu’il en fasse autant pour les pauvres. Et ne dites point que les riches ne doivent rien aux pauvres. Je ne crois pas qu’un seul riche le pense. C’est sur l’étendue de la dette que commencent les incertitudes. Et l’on n’est pas pressé d’en sortir. On aime mieux rester dans le vague. On sait qu’on doit. On ne sait pas ce qu’on doit, et l’on verse de temps en temps un petit acompte. Cela s’appelle la bienfaisance, et c’est avantageux.

» — Mais ce que vous dites là n’a pas le sens commun, mon cher collaborateur. Je suis peut-être plus socialiste que vous. Mais je suis pratique. Supprimer une souffrance, prolonger une existence, réparer une parcelle des injustices sociales, c’est un résultat. Le peu de bien qu’on fait est fait. Ce n’est pas tout, mais c’est quelque chose. Si le petit conte que je vous demande attendrit une centaine de mes riches abonnés et les dispose à donner, ce sera autant de gagné sur le mal et la souffrance. C’est ainsi que peu à peu on rend la condition des pauvres supportable.

» — Est-il bon que la condition des pauvres soit supportable ? La pauvreté est indispen-